« Construction Bois : Un Matériau Innovant pour des Villes Durables | Bastien BOUTELOUP, Woodeum »

« Construction Bois : Un Matériau Innovant pour des Villes Durables | Bastien BOUTELOUP, Woodeum »
Bois construction : « Cette capacité à densifier la ville de manière intelligente est un atout considérable », Bastien BOUTELOUP, Directeur Ingénierie, Recherche et Développement de Woodeum

Face aux défis climatiques et aux nouvelles réglementations, la construction bois s’impose comme une solution d’avenir pour bâtir des villes plus durables. Matériau à faible empreinte carbone, adapté à la préfabrication et source d’innovations architecturales, le bois redéfinit les standards du bâtiment. Bastien Bouteloup, Directeur Ingénierie, Recherche et Développement de Woodeum, revient sur les atouts de cette filière, les défis à relever et les perspectives offertes par cette approche constructive.

  1. Le secteur du bâtiment est un contributeur majeur aux émissions de gaz à effet de serre. Comment l’utilisation du bois peut-elle réduire l’empreinte carbone de ce secteur ?

Pendant longtemps, le principal enjeu environnemental du bâtiment était la consommation énergétique, bien plus que l’empreinte carbone des matériaux. Aujourd’hui, la réduction des émissions sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment devient une priorité, et le bois offre une solution efficace en tant que matériau de substitution aux matériaux traditionnels très carbonés, comme le béton ou l’acier.

Le bois présente un double avantage. D’une part, sa transformation est peu énergivore comparée à d’autres matériaux qui nécessitent des processus de fabrication très émetteurs. D’autre part, il constitue un stock de carbone efficace. Lorsqu’il est utilisé dans la construction, le carbone qu’il a capté tout au long de sa croissance est stocké sur le long terme, la durée de vie des bâtiments pouvant atteindre plusieurs centaines d’années.

  1. Les réglementations énergétiques évoluent rapidement pour encourager la construction bas-carbone. Quels sont les principaux défis et opportunités que ces évolutions représentent pour l’industrie de la construction bois ?

La réglementation environnementale 2020 (RE2020) repose sur deux leviers principaux. Le premier est la sobriété : il s’agit avant tout de réduire la consommation de matériaux et d’optimiser la conception des bâtiments. Une fois ce levier actionné, la question des matériaux moins émissifs et stockant du carbone devient essentielle. C’est là que le bois tire son épingle du jeu, car il répond parfaitement aux exigences environnementales actuelles.

Cette réglementation ne rend pas l’utilisation du bois obligatoire, mais elle favorise grandement son emploi en valorisant ses performances carbone et énergétiques. En effet, le bois est un matériau naturellement isolant, ce qui permet aussi de réduire la consommation énergétique des bâtiments et de faciliter le respect des critères de la RE2020.

  1. Au-delà de son rôle dans la réduction des émissions de CO2, quels sont les autres avantages environnementaux et sociétaux de l’utilisation du bois dans la construction ?

Le bois est un matériau intrinsèquement adapté à la préfabrication hors-site. Il permet donc de réduire considérablement les nuisances sur les chantiers : moins de déchets, moins de bruit et jusqu’à 6 à 8 fois moins de camions sur les routes par rapport à un chantier en béton. Cela a un impact sociétal fort en termes de réduction des nuisances urbaines.

Sur le plan du bien-être au travail, le bois offre également des avantages aux entreprises de construction. Il permet un travail en filière sèche, plus propre et plus silencieux. Les ouvriers qui ont été formés à la pose du bois expriment souvent leur préférence pour ce matériau, qui valorise leur savoir-faire et les encourage à développer de nouvelles compétences.

Enfin, vivre et travailler dans un bâtiment en bois a un impact positif sur la santé et le bien-être. Des études ont montré que le bois améliore le confort thermique et acoustique, et qu’il a un effet apaisant sur les occupants, que ce soit dans des bureaux, des écoles ou des logements.

  1. Quelles sont les principales innovations et les perspectives d’avenir pour la construction bois ?

Le bois est le matériau de demain, notamment en raison de sa légèreté, qui permet de construire la ville sur la ville. Il offre la possibilité d’ajouter des étages sur des bâtiments existants ou d’installer des constructions sur des infrastructures déjà en place, sans artificialiser davantage les sols. Cette capacité à densifier la ville de manière intelligente est un atout considérable.

Cependant, plusieurs défis restent à relever. La réglementation incendie doit évoluer pour s’adapter à l’essor des constructions bois de grande hauteur. De plus, la filière doit accompagner la montée en compétences des professionnels, car l’utilisation du bois reste encore marginale par rapport à son potentiel. Massifier son usage nécessite une formation accrue des différents corps de métiers.

  1. Certains de vos récents projets démontrent des avancées techniques remarquables. En quoi ces réalisations marquent-elles un tournant pour l’architecture en bois et quelles leçons peut-on en tirer pour les futurs projets ?

Effectivement, deux de nos projets illustrent parfaitement le potentiel du bois dans la construction.

À Lyon, une tour de 50 mètres de hauteur, intégrant plus de 80 % de bois a été construite. Il s’agit d’une prouesse technique inédite en France, car une telle proportion de bois dans une tour de cette hauteur était inimaginable il y a dix ans. À Paris, nous avons construit un foyer de jeunes travailleurs au-dessus du périphérique, sur un pont existant qui n’avait pas été conçu pour supporter un bâtiment. Seul un matériau léger et hors site comme le bois permettait une telle construction sans modifier la structure sous-jacente.

Enfin, une avancée majeure pour notre secteur : nous avons obtenu les premiers crédits carbone pour l’utilisation du bois dans la construction. Cette reconnaissance officielle valorise le stockage de carbone réalisé par les bâtiments en bois.