Méditerranée en surchauffe, orques de Marineland, tensions diplomatiques : les trois priorités de Fabrice Loher, nouveau ministre délégué à la Mer et à la Pêche

Méditerranée en surchauffe, orques de Marineland, tensions diplomatiques : les trois priorités de Fabrice Loher, nouveau ministre délégué à la Mer et à la Pêche
La Méditerranée bout, les relations franco-britanniques s'enveniment et les orques du Marineland d’Antibes attendent de connaître leur sort. A peine entré en fonction, Fabrice Loher, successeur d’Hervé Berville au secrétariat à la Mer, aura à se prononcer sur ces trois dossiers aussi brûlants qu’emblématiques, puisqu’ils dessineront les contours de son mandat en matière d’environnement, de défense des pêcheurs et d’éthique animale. Une véritable déclaration de style, en somme.

La Méditerranée, creuset des défis du réchauffement et de l’acidification

 Le nouveau ministre délégué à la Mer et à la Pêche doit faire face à des enjeux environnementaux de taille, notamment le réchauffement et l’acidification de la Méditerranée, qui est devenue un véritable point chaud du changement climatique. Selon le rapport du MedECC (Mediterranean Experts on Climate and Environmental Change) publié en novembre 2020, les températures moyennes annuelles dans le bassin méditerranéen sont déjà 1,5°C supérieures à celles de l’époque préindustrielle. Cette tendance pourrait se poursuivre, avec des projections indiquant une augmentation de 3,5°C d’ici 2100, si les efforts en matière de lutte contre le changement climatique demeurent insuffisants.

Le 15 août 2024, un nouveau seuil critique a été franchi : la température médiane quotidienne à la surface a atteint 28,9°C, dépassant le précédent record de 28,71°C établi seulement un an plus tôt, selon les données satellitaires de l’observatoire européen Copernicus. Le réchauffement des eaux a des conséquences directes sur la biodiversité marine : des espèces tropicales migrent vers le nord, tandis que certaines espèces endémiques sont menacées de disparition. Et ceci bouleverse l’économie de la pêche en Méditerranée, une industrie de 3 milliards de dollars, avec des prévisions de baisse des captures allant de −20 à −75 % pour le chalut pélagique et la senne, de −50 à −75 % pour les filets fixes et les casiers, et dépassant −75 % pour le chalut de fond d’ici la fin du siècle, tandis que des espèces emblématiques comme le loup et la dorade royale pourraient voir leurs captures diminuer de 40 % en moyenne. En parallèle, l’acidification des eaux s’intensifie, parfois provoquée par les rejets agricoles, avec une augmentation de 10% depuis 1995, menaçant les organismes à coquille calcaire comme les coraux et les mollusques.

Pour faire face aux défis croissants du réchauffement en Méditerranée, le ministre délégué à la Mer devra agir rapidement et de manière coordonnée. Il sera crucial de renforcer la recherche scientifique afin de mieux comprendre les impacts du changement climatique et de développer des stratégies d’adaptation pour les secteurs économiques touchés, tels que la pêche et le tourisme. La mise en place de mesures de protection renforcées pour les écosystèmes marins vulnérables sera également une priorité.

L’épineuse question des orques de Marineland

Alors que la Méditerranée se réchauffe, un autre enjeu émerge avec acuité : le sort des orques du Marineland d’Antibes. Ce dossier s’impose comme un test grandeur nature de la politique maritime française, à la croisée de l’écologie et de l’éthique animale. L’interdiction des spectacles prévue pour 2026 place ces géants des mers au cœur d’un débat houleux. Marineland souhaiterait transférer ses orques dans une structure équivalente, tandis que les associations de défense des animaux militent pour la création d’un sanctuaire marin dédié. L’ONG Sea Shepherd, pour qui la France ne peut pas « se débarrasser du problème », est favorable à un sanctuaire sur la côte brestoise, où les deux orques seraient placées « sous la protection de la loi française relative au bien-être animal ».

Cependant, la création d’un tel sanctuaire est un projet coûteux, complexe à mettre en œuvre et, pour l’instant, aucune structure de ce type n’a jamais fait ses preuves, ni sur le plan écologique ni sur le plan économique. Pour l’ex-députée européenne écologiste Caroline Roose, « cela semble difficile à réaliser ». Les estimations pour la création d’un tel sanctuaire sur les côtes françaises, basées sur celui prévu en Nouvelle Écosse, oscilleraient autour de 15 millions d’euros, sans compter les coûts annuels d’entretien qui pourraient atteindre plusieurs millions. Un prix exorbitant pour un projet toujours au stade… de projet, et dont le modèle économique demeure introuvable. Le dilemme est de taille : comment concilier éthique animale, contraintes économiques et faisabilité technique ? Les orques, nées en captivité, ne peuvent être simplement relâchées dans l’océan, mais leur adaptation à un environnement semi-naturel demanderait un suivi constant et des soins spécialisés.

Tensions franco-britanniques : un nouveau casse-tête pour Fabrice Loher

Au-delà des défis écologiques et éthiques, le ministre fraîchement nommé devra également naviguer dans les eaux troubles des relations franco-britanniques. La récente victoire du parti travailliste de Keir Starmer aux élections britanniques ouvre de nouvelles perspectives dans les tensions sur la question de la pêche. Ces frictions ont atteint leur paroxysme en mars 2024, lorsque le précédent gouvernement britannique a décidé d’interdire le chalutage de fond dans 13 aires marines protégées, couvrant environ 4000 kilomètres carrés.

Cette décision a provoqué l’ire de la France, qui y perçoit une mesure discriminatoire envers ses pêcheurs – Paris a même accusé Londres de violer l’accord de commerce et de coopération (ACC) post-Brexit. Olivier Le Nézet, président du Comité National des Pêches Maritimes, considère cela comme un affront et un « sujet hautement politique ». Selon lui, « ces aires marines protégées sont discriminatoires, c’est une évidence ». Une mesure considérée comme telle car elle affecte de manière disproportionnée les pêcheurs français, qui dépendent historiquement de ces zones de pêche pour leur subsistance, sans offrir d’alternatives équivalentes. Fabrice Loher, dans les pas de son prédécesseur Hervé Berville, aura la délicate tâche de renégocier ces accords avec le gouvernement Starmer, tout en préservant les intérêts des pêcheurs français et en tenant compte des impératifs de protection de l’environnement marin. Un exercice d’équilibriste qui nécessitera diplomatie et fermeté.