Une immense étendue évoquant le Sahara, couverte de sable et de marécages infestés de moustiques ; une région reculée, presque hostile ; un véritable « désert », comme le qualifient alors les quelques rares habitants du XIXe siècle qui y vivent ou s’y aventurent. Tel était le département des Landes bien avant qu’il n’adopte la physionomie qu’on lui connaît de nos jours – à tel point qu’après le riz et l’arachide, certains tenteront même d’y importer… des dromadaires. Il faudra attendre la loi du 19 juin 1857 relative à l’assainissement et à la mise en culture des Landes de Gascogne, promulguée par Napoléon III, pour que le destin des Landes ne s’attache définitivement aux fameux pins qui font, encore aujourd’hui, sa réputation. Bien décidé à apporter habitants et prospérité à cette région, l’empereur fait ainsi planter des pins maritimes par millions, dont les 632 000 hectares couvrent désormais 67% du département le plus boisé de France métropolitaine.
Et pour cause : peu de végétaux tolèrent aussi bien le sol pauvre et sablonneux des Landes que le pin maritime. N’appréciant rien de plus que les sols acides, très secs ou au contraire très humides, le pinus pinaster était traditionnellement utilisé pour fixer et stabiliser les dunes sur le littoral et, à l’intérieur des terres, pour drainer les eaux marécageuses. Autant d’atouts qui, combinés à sa résistance naturelle aux embruns et aux vents forts, à ses faibles besoins en engrais et au fait qu’il apprécie la lumière et la chaleur, ont donné son nom au pin « maritime ». C’est donc sans surprise que l’on retrouve cette essence en profusion sur les littoraux français, des côtes bretonnes à celles du Sud-Ouest océanique, où le massif forestier des Landes de Gascogne s’impose, avec un million d’hectares, comme le plus vaste de l’Hexagone et l’un des plus étendus du continent européen. Mais c’est aussi ce pin maritime qui a, au mois de juillet, subi les gigantesques incendies qui ont, dans les Landes, ravagé une surface boisée supérieure à celle de la ville de Paris.
« La monoculture de pins n’accentue pas le risque d’incendie »
Immense, l’émoi national provoqué par ces feux de forêt n’a pas manqué de soulever des questions autour de la pertinence des mono-plantations de pins et de leur résilience face aux conséquences du réchauffement climatique, au premier rang desquelles le risque accru d’incendies. Un tel drame aurait-il pu être évité dans un autre contexte, avec d’autres arbres ? « La monoculture de pins n’accentue pas le risque d’incendie », estime Anne Ganteaume, directrice de recherche à l’Inrae Aix-en-Provence, qui réfute l’idée de « miracles opérés par des forêts plus diverses ». De plus, les accusations portées contre les conifères obèrent le fait que « les pins maritimes sont habitués au feu depuis des millénaires. Leur écorce est résistante, il n’y a pas de branches mortes le long du tronc. Cet auto-élagage empêche le feu de passer du sol à la cime », rappelle aussi la chercheuse.
Ainsi, « au cours du temps », appuie dans Libération Eric Rigolot, directeur de l’unité de recherche écologique des forêts méditerranéennes à l’Inrae, « les pins se sont adaptés au feu. (…) La stratégie des pins est de mourir au feu pour mieux renaître après. (Ils) libèrent des graines pendant les incendies pour semer de nouveaux arbres ». Et, s’il est vrai que « les peuplements de pin maritime sont fortement combustibles », concèdent les auteurs d’un rapport consacré à la forêt méditerranéenne, « cette espèce a des caractéristiques qui assurent à ses organes une certaine résistance au feu et des modalités de reproduction qui lui permettent de se reconstituer rapidement après incendie ».
Quel avenir pour le pin maritime ?
Naturellement doté d’une forme de résilience face aux incendies, le pin maritime n’en demeure pas moins un arbre aisément combustible. Serait-il remplaçable par d’autres essences a priori moins sujettes au feu, comme les feuillus, quitte à modifier en profondeur la physionomie des Landes ? La réalité n’est pas aussi simple, comme le rappelle Eric Rigolot, selon qui « il y a une marge d’amélioration mais un mélange d’espèces ne fera pas non plus de miracles. Dans les conditions extrêmes actuelles, tout brûle ».
Par ailleurs, la composition sableuse des sols de la région ne se prête pas à l’introduction d’un grand nombre d’essences. Les nouvelles essences d’arbres devront donc lutter contre des conditions environnantes défavorables et seront d’autant plus vulnérables au moindre événement extérieur. Enfin, il ne faut pas oublier que la présence des pins maritimes répond aussi à des nécessités économiques. La forêt des Landes est étroitement liée à l’industrie locale – scieries, papeteries, usines – et à la prospérité de ses habitants ; mélanger les espèces, c’est aussi faire peser sur les acteurs économiques des contraintes augmentant considérablement leurs coûts d’exploitation.