Écrasé par la minéralité depuis plusieurs décennies, le vert lance une contre-offensive en ville avec, en tête de peloton, les forêts urbaines. Les propos dithyrambiques ne manquent pas pour louer leurs bienfaits. En ville, les arbres remplissent de nombreuses fonctions, notamment en termes de dépollution et de rafraîchissement, de gestion des eaux de pluies – en préservant la perméabilité des sols, de développement de la biodiversité. Sans oublier leur dimension sociale : ils favorisent le bien-être des habitants et créent des lieux d’interaction.
Deux plutôt qu’une
Dans un contexte de transition écologique, plusieurs villes lancent des projets forestiers. A Paris par exemple, la maire Anne Hidalgo a promis qu’à l’horizon 2026, seraient plantés 170 000 arbres. Du côté de la Ville rose, trois micro-forêts ont vu le jour depuis mars 2020. A Toulouse toujours, cinq autres programmes doivent prendre racine d’ici la fin 2021.
Et les grandes métropoles ne sont pas les seules à mettre la main à la terre. Abbeville, dans les Hauts-de-France, a planté 3 600 arbres en une semaine, à proximité de quatre écoles. Objectif : améliorer le cadre de vie de ses habitants, stocker du carbone, et sensibiliser les concitoyens aux problématiques liées à la biodiversité.
Miser sur la continuité
Planter c’est bien, mais le faire dans les règles de l’art, c’est encore mieux, prévient Serge Muller, professeur et chercheur à l’Institut de systématique, évolution et biodiversité (Isyeb) du Muséum national d’histoire naturelle, dans une analyse scientifique réalisée pour 20Minutes. Pour le chercheur, il est nécessaire de « miser sur la complémentarité et la continuité », car plus qu’un choix politique, planter des arbres est une science.
Les différentes catégories de peuplement en ville sont nombreuses. Citons : les friches ligneuses (repeuplements spontanés par des espèces souvent invasives ou indigènes), les arbres isolés ou groupes d’arbres (places publiques, cours privées…), les plantations ligneuses (parcs…), les micropeuplements denses, ou encore les nouvelles techniques de plantation comme les microforêts Miyawaki. Le procédé consiste ici à planter une grande diversité d’essences locales de façon très dense (3 à 5 par m²). Toutes rendent des services écosystémiques différents et sont donc les bienvenues en ville.
Le chercheur insiste également sur l’importance de la continuité : il s’agit de multiplier les plantations ligneuses afin de garantir une trame boisée continue en ville, reliant les îlots de verdure entre eux. Condition « nécessaire à la diffusion et à l’enrichissement de la biodiversité urbaine, à l’atténuation des canicules citadines, ainsi qu’à la contribution à l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 ».
Il ajoute que « cette “forêt urbaine” peut être constituée d’essences indigènes dans le territoire concerné et/ou d’essences exotiques introduites, qui sont parfois mieux adaptées aux conditions édaphiques, biotiques, sanitaires et surtout climatiques de l’agglomération considérée. ». Serge Muller précise toutefois que des expérimentations préalables en arboretums, jardins botaniques ou parcs urbains seront indispensables.
L’action des forestiers en ville
Cette mission d’expertise et de gestion des forêts urbaines, les forestiers l’assurent déjà dans différents lieux urbains : boisements et forêts urbaines, parcs et jardins publics, friches industrielles, ou encore corridors écologiques.
Leurs prestations, multiples et variées, visent à réapprendre à vivre avec la nature en ville. Ces professionnels travaillent, entre autres, à inventorier et à suivre la biodiversité, à créer des habitats. Ce sont eux qui sélectionnent les essences et les répertorient, qui effectuent diagnostics et entretiens du patrimoine arboré, qui plantent, qui combattent les bioagresseurs comme les chenilles processionnaires. Et comme en forêt, ils joignent l’utile à l’agréable, créant, à l’attention des habitants, des aménagements tels que des sentiers, ou des contenus pédagogiques.