« Le tribunal a estimé que le sulfoxaflor, qui entre dans la composition de ces pesticides et a pour effet d’agir sur le système nerveux central des insectes, était susceptible, en l’état des connaissances scientifiques de présenter un risque de toxicité important pour les insectes pollinisateurs« , a fait savoir le tribunal administratif de Nice.
Les juges saisis de l’affaire ont préféré faire valoir le principe de précaution pour justifier l’annulation de l’autorisation de vente accordée par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (Anses) au Transform et au Closer. Ces deux produits, utilisés dans le monde agricole pour lutter contre les pucerons, sont autorisés dans de nombreux pays mais le tribunal de Nice a préféré ne pas prendre le risque de diminuer davantage les populations d’abeilles et d’insectes pollinisateurs.
La substance active de ces deux pesticides, le sulfoxaflor, est en effet un néonicotinoïde de nouvelle génération. Diverses études scientifiques mettent en avant les effets dévastateurs que cette molécule produit sur le système nerveux des insectes et des invertébrés (terrestres et aquatiques) ainsi que sur la qualité des sols et de l’eau.
Le fabricant Dow AgroSciences réfute bien évidemment les conclusions de ces études et conteste la décision du tribunal de Nice en soutenant l’innocuité de ses deux produits. Selon les responsables de cette société, le sulfoxaflor est un insecticide « innovant » qui ne représente aucun risque pour les insectes pollinisateurs s’il est utilisé « conformément aux recommandations de l’étiquette ».
« Si l’Anses et la société Dow AgroSciences font valoir que l’utilisation de l’insecticide est assortie de mesures d’atténuation des risques, telles que l’absence d’application du produit durant la période de floraison, ces mesures ne peuvent être regardées comme suffisantes », estime cependant le tribunal.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments a notamment estimé dans deux rapports, publiés en 2015 et en 2019, que l’utilisation du sulfoxaflor présentait des risques « élevés » pour les abeilles et les bourdons.
« Dans ces conditions, l’existence d’un risque pour les pollinisateurs doit être regardée comme une hypothèse suffisamment plausible en l’état des connaissances scientifiques », insiste le tribunal de Nice.
Agir pour l’environnement et Générations Futures espèrent que cette décision de justice poussera le gouvernement à revoir le système de délivrance des autorisations de mises sur le marché de produits dangereux pour la biodiversité.
« Le processus d’autorisation de mise sur le marché de pesticides est faillible et nécessite d’être revu en profondeur afin d’éviter qu’à l’avenir, la précipitation soit la norme et la prise en compte du principe de précaution l’exception », estiment les deux associations de protection de l’environnement.