La petite rivière Mazelle, dans la Haute-Vienne, est méconnaissable. Ce lundi, le constat est accablant : sur trois kilomètres, plus aucune trace de vie. Les poissons morts s’amoncellent sur les berges, témoignant de la brutalité de la pollution survenue deux jours plus tôt, le samedi 22 mars. « C’est un désastre total », déplore Pierre Pommeret, responsable départemental de la pêche et de la protection des milieux aquatiques. « Entre le point d’impact et les bassins de la pisciculture en aval, tout a été détruit. »
Une fuite massive de solvant et de colle
Les faits se sont produits dans une zone industrielle du Palais-sur-Vienne, au nord-est de Limoges. C’est là qu’une cuve d’environ mille litres, contenant des solvants, aurait été accidentellement endommagée sur un quai de chargement d’une entreprise de transport. Des produits chimiques se sont alors répandus, atteignant un affluent de la Mazelle. L’odeur âcre dans l’air et la corrosion encore visible sur le sol plusieurs jours après témoignent de la puissance du produit. « Respirer l’air, c’était suffocant », confie un témoin resté anonyme. « On sentait que c’était toxique, ça vous brûlait les bronches. Et ce n’était pas une petite flaque : la nappe de produit faisait presque la moitié d’un terrain de tennis. »
Le plus dramatique est peut-être l’absence de réaction immédiate. Selon plusieurs sources, l’entreprise impliquée n’aurait pas pris de mesures d’urgence pour contenir la fuite. Ce n’est qu’après les fortes pluies du week-end, qui ont aggravé la dispersion des produits, que des démarches auraient été entreprises.
Une pisciculture décimée
Parmi les victimes directes de cette pollution figure Pascal Flaujac, pisciculteur en aval du cours d’eau. Dans ses bassins, les truites n’ont pas survécu au passage des substances toxiques. Deux tonnes de poissons, des années de travail anéanties en quelques heures. « C’est toute une filière, toute une passion qu’on assassine », regrette-t-il, encore sous le choc.
Colère des élus et poursuites judiciaires à venir
Face à l’ampleur des dégâts, les autorités locales montent au créneau. Le président de Limoges Métropole, Guillaume Guérin, appelle à une réponse ferme. « Il est essentiel que les pouvoirs publics réagissent. Si rien n’est fait, cela ouvre la voie à toutes les négligences », martèle-t-il. Sans accuser directement l’entreprise, il insiste pour que la justice fasse toute la lumière sur les circonstances du déversement.
Même détermination du côté de Ludovic Géraudie, maire du Palais-sur-Vienne. « Il faut des sanctions exemplaires. On ne peut pas accepter qu’en 2025, des industriels agissent encore sans respect pour l’environnement », affirme-t-il. Les deux élus annoncent leur intention de porter plainte. Une enquête a d’ores et déjà été ouverte par le parquet de Limoges.
Une biodiversité à reconstruire
Les experts environnementaux sont formels : la Mazelle ne retrouvera pas son équilibre écologique avant plusieurs années. La pollution a détruit les organismes vivants, perturbé les sédiments et rompu toute chaîne alimentaire. « La rivière va devoir être patiemment restaurée », estime un spécialiste du milieu aquatique.
En attendant, les habitants, les pêcheurs et les amoureux de la nature observent, impuissants, les conséquences d’une négligence industrielle qui aurait pu, peut-être, être évitée.