Une découverte inattendue au cœur des profondeurs
Tout part d’une observation inhabituelle réalisée par Carolin Nieder, biologiste marine affiliée à la Woods Hole Oceanographic Institution, lors de ses travaux à l’Université d’Auckland en Nouvelle-Zélande. En pleine manipulation de jeunes spécimens de requins-hâ — une espèce commune dans les eaux néo-zélandaises — elle entend un curieux bruit de cliquetis, métallique et répétitif.
« Ces sons ne collaient pas avec ce que nous savions des requins. Au départ, je les ai ignorés », raconte la chercheuse au New Scientist. Pourtant, ces bruits revenaient avec insistance à chaque manipulation. De quoi piquer sa curiosité scientifique.
Un son qui intrigue et interroge
Pour tirer cette affaire au clair, Nieder et son équipe ont placé dix jeunes requins-hâ dans des bassins équipés de capteurs acoustiques ultrasensibles. Et les résultats sont sans équivoque : tous les individus observés ont émis des sons de type « clic » lorsqu’ils étaient manipulés. Une production sonore volontaire, selon les chercheurs, et non une coïncidence due au stress ou à un contact fortuit avec les parois du bassin.
L’origine exacte de ces sons reste à déterminer, mais l’hypothèse la plus probable serait un claquement rapide de leurs mâchoires. Les requins-hâ possèdent des dents plates similaires à celles de certaines raies, leurs cousines évolutives, ce qui pourrait expliquer la tonalité métallique du bruit.
À quoi servent ces clics ?
Deux pistes principales sont actuellement envisagées. La première, défensive, suggère que ces sons pourraient être utilisés pour surprendre ou effrayer des prédateurs, un peu comme le ferait un cri d’alerte. La seconde piste est plus offensive : les clics serviraient alors à désorienter les proies, notamment les crustacés, en exploitant leur sensibilité au son.
Bien que ces hypothèses restent à confirmer, elles ouvrent la porte à une relecture complète du comportement acoustique des requins — une famille jusqu’ici exclue des grandes conversations sonores de l’océan.
Un tournant dans la connaissance des requins
Cette découverte pourrait avoir des répercussions bien au-delà de la simple curiosité scientifique. Si d’autres espèces de requins se révèlent elles aussi capables d’émettre des sons, cela pourrait constituer un outil précieux pour leur suivi dans la nature. À l’heure où près de 60 % des requins pélagiques sont classés comme menacés par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), tout moyen de mieux les comprendre — et donc de mieux les protéger — est bienvenu.
Les requins jouent un rôle capital dans la régulation des écosystèmes marins en se trouvant au sommet de la chaîne alimentaire. Leur disparition pourrait déséquilibrer profondément les milieux sous-marins.
Repenser notre regard sur les seigneurs des océans
Longtemps diabolisés dans la culture populaire, les requins souffrent d’une image de prédateurs sanguinaires. Pourtant, derrière ces clichés se cachent des espèces complexes, sensibles à leur environnement et peut-être même communicantes. Cette découverte de sons émis par les requins-hâ nous rappelle que l’océan recèle encore bien des mystères.
Redonner aux requins une place plus nuancée dans l’imaginaire collectif, en soulignant leur importance écologique et leur richesse comportementale, devient une nécessité. Qui sait ce que les prochains clics de ces mystérieux habitants des abysses auront encore à nous apprendre ?