Une alerte sur fond d’urgence législative
L’ONG Les Amis de la Terre tire la sonnette d’alarme : l’industrie textile française est confrontée à une crise profonde, aggravée par la montée en puissance des géants internationaux de la fast fashion. Dans une étude récemment publiée, l’organisation appelle les pouvoirs publics à réagir rapidement par des mesures législatives fortes, afin de protéger un secteur en perte de vitesse depuis plusieurs décennies.
La mode éphémère, portée par des marques étrangères qui misent sur des collections à bas prix renouvelées à grande vitesse, représente un modèle économique à rebours des traditions industrielles françaises. Résultat : des milliers d’emplois perdus et une désindustrialisation massive du territoire.
Une implantation progressive mais destructrice
Le rapport retrace les étapes clés de l’implantation des acteurs de la fast fashion sur le sol français. L’arrivée du géant espagnol Zara en 1990 marque le début d’un bouleversement, suivie de celle de H&M en 1998, puis de Primark en 2013. À ces enseignes, déjà bien installées dans les centres commerciaux, se sont ajoutés les mastodontes asiatiques du commerce en ligne : Shein en 2015 et Temu en 2023.
Mais cette transformation du paysage textile ne date pas d’hier. Les Amis de la Terre rappellent que la délocalisation massive de la production vers l’Asie du Sud-Est a débuté dans les années 1980, pour s’intensifier avec la fin des accords multifibres entre 2005 et 2008. Ces accords internationaux, qui limitaient les importations de textiles pour protéger la production locale, ont laissé place à une ouverture totale des marchés. Une opportunité pour les producteurs à bas coûts, mais un coup dur pour l’industrie européenne.
Une industrie française en déclin
Depuis les années 1990, le secteur textile français a perdu près de 300 000 emplois, selon les données compilées par l’ONG, en s’appuyant notamment sur les chiffres de l’Insee, de l’Ademe et de la Fevad. Une chute vertigineuse qui ne semble pas ralentir, malgré une consommation de vêtements en forte hausse : celle-ci a doublé en moins de quarante ans.
Ce paradoxe interpelle. Si les Français achètent toujours plus de vêtements, les bénéfices de cette consommation ne profitent plus aux acteurs nationaux. « Les enseignes de fast fashion créent une concurrence déloyale », dénonce l’ONG. Alors que le chiffre d’affaires des magasins d’habillement et de chaussures stagne en France depuis 2016, des chaînes comme Zara et Primark enregistrent des croissances fulgurantes : respectivement +70 % et +116 % entre 2016 et 2023.
Vers une régulation nécessaire ?
Face à ce constat, Les Amis de la Terre plaident pour une régulation plus stricte du secteur. Pour l’ONG, il est indispensable d’encadrer les pratiques des géants de la fast fashion, en imposant des règles plus exigeantes sur la transparence de la chaîne de production, le respect des normes sociales et environnementales, ou encore la limitation des volumes mis sur le marché.
Sans intervention rapide, c’est tout un pan de l’économie française qui risque de disparaître. Et avec lui, un savoir-faire historique, des emplois locaux et une vision plus durable de la mode.