ZeGreenWeb

Interview : la filière forêt-bois au féminin, avec Tiffany Weber (COFORET) et Aude Sourisseau (ONF)

Dans le secteur de la forêt et du bois, les femmes restent souvent sous-représentées, bien que leur présence se renforce progressivement. Tiffany Weber, technicienne forestière, et Aude Sourisseau, géomaticienne, reviennent sur leur parcours et partagent leur vision de leur métier.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours professionnel ?

Tiffany Weber : Je suis technicienne au sein de la coopérative forestière COFORET. Cette coopérative a été fondée à la suite de plusieurs fusions, dont celle de deux groupes de sylviculteurs originaires du Beaujolais. Par la suite, la coopérative a élargi ses territoires d’intervention pour inclure la Loire, la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme, ainsi que des régions de Bourgogne-Franche-Comté. J’ai effectué mes études au lycée forestier de Noirétable, où j’ai obtenu un baccalauréat en gestion des milieux naturels et de la faune. Par la suite, j’ai poursuivi ma formation avec un BTS en gestion forestière à Brioude, en Haute-Loire, tout en réalisant mes stages chez COFORET, en collaboration avec des techniciens forestiers spécialisés dans l’exploitation. Ne souhaitant pas continuer vers une licence, j’ai exprimé à COFORET mon désir de m’engager professionnellement à leurs côtés.

Aujourd’hui, en tant que technicienne chargée d’exploitation, je suis responsable du marquage, de la gestion et de l’exploitation des bois, ainsi que de leur commercialisation. Je collabore également étroitement avec mes collègues sylviculteurs, qui s’occupent des reboisements.

Aude Sourisseau : De mon côté, j’ai initialement entrepris des études en biologie et écologie, au cours desquelles j’ai découvert la géomatique appliquée à l’écologie. Cette discipline m’a particulièrement séduite, ce qui m’a conduite à m’orienter vers cette spécialité, axée sur la géomatique appliquée à l’environnement.

À l’issue de mon cursus, j’ai obtenu un premier poste à l’Agence des espaces verts, rattachée à la région Île-de-France, où j’ai été en appui de mes collègues en charge de la gestion des forêts et des parcs naturels de la région. Par la suite, j’ai collaboré avec des géomaticiens dans le groupe SUEZ afin d’explorer une autre facette de mon métier, en travaillant sur les réseaux d’eaux. Toutefois, ma passion pour la forêt m’a finalement poussée à y retourner, car elle reste au cœur de mes intérêts professionnels.

Actuellement, au sein de l’Office National des Forêts (ONF), je participe à la centralisation, la diffusion et le contrôle de données géolocalisées disponibles. Ces données englobent divers aspects, tels que les informations relatives aux arbres et aux forêts, ainsi que les systèmes de protection mis en place pour la prévention des incendies, ou encore le suivi de la restauration des terrains en montagne. Ceci permet ensuite de transformer ces données en cartes et tableaux, constituant ainsi des outils d’analyse de l’information.

Les femmes sont-elles bien représentées dans votre profession ?

AS : Plutôt oui. En général, j’ai constaté une égalité en termes de représentation entre les hommes et les femmes au sein des équipes avec lesquelles j’ai collaboré. Il est même arrivé que le nombre de femmes dépasse légèrement celui des hommes, tant durant mes années d’études universitaires que dans les différents services que j’ai pu intégrer.

TW : Dans notre domaine, les femmes demeurent encore sous-représentées. Par exemple, dans le département de la Loire, nous ne sommes que deux femmes. Bien que je pense que notre représentation n’est pas suffisante, j’observe toutefois un changement progressif. Les femmes apportent une perspective différente à la filière bois. Nous tentons de déconstruire certains stéréotypes. Les métiers tels que ceux d’acheteur, de bûcheron, de débardeur ou de scieur sont souvent perçus comme réservés à des hommes de la vieille école. La présence de femmes dans ces environnements contribue à modifier cette image, et offre une nouvelle approche.

Il est essentiel de continuer dans cette direction en encourageant un nombre croissant de femmes à explorer notre filière. Si elles souhaitent travailler en forêt, sur le terrain, c’est encore mieux. On constate une présence significative de femmes dans les bureaux, mais très peu sur le terrain. À titre d’exemple, il y a également peu d’hommes dans les secrétariats, tout comme il y a une rareté des femmes dans les forêts.

Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confronté(e) dans votre activité ?

 AS : L’un des principaux défis consiste à comprendre les équipes opérationnelles tout en étant compris par elles. Il est essentiel d’établir une communication claire entre le terrain et l’aspect technique, notamment la géomatique. Étant donné que notre travail est orienté vers le service, une compréhension mutuelle avec nos interlocuteurs est indispensable pour progresser. Nous avons pour mission de fournir des informations pertinentes afin qu’elles puissent être efficacement exploitées par les équipes concernées. Si nous échouons à définir les besoins ou si ceux-ci sont mal exprimés, nous risquons de produire des résultats inadaptés qui ne seront pas utilisés. Ainsi, la clé de notre métier réside véritablement dans notre capacité à avancer ensemble.

TW : Au sein des coopératives, l’un des défis majeurs auxquels nous faisons face est la nécessité de trouver l’équilibre entre la commercialisation des produits forestiers et la réponse aux problèmes de dépérissement de nos forêts. Le changement climatique progresse à une vitesse grand V par rapport à nos activités humaines. Nous sommes également de plus en plus confrontés à l’incompréhension de nos activités. La forêt doit répondre à de nombreux enjeux : accueil du public, écologie, environnement, économie, stockage de carbone… Et notre travail consiste à répondre à ces attentes, mais il ne faut pas oublier que notre action est nécessaire pour lutter contre les maladies en forêt, conséquences du changement climatique, et pour la sécurité des promeneurs… Les forestiers ne sont pas des destructeurs de la forêt ; au contraire, nous nous soucions quotidiennement de la santé de nos forêts et mettons tout en œuvre pour reboiser les parcelles que nous avons coupées. Pour avoir du bois chez soi, il faut couper des arbres. Et nous préférons tous qu’il soit français.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier aujourd’hui ?

TW : Avant tout, ce qui me tient à cœur, c’est la liberté. Chaque jour, je me trouve en forêt, entourée d’arbres majestueux, et au printemps, je peux écouter le chant des oiseaux. Pour ce cadre de travail, je ne quitterais mon métier pour rien au monde. J’apprécie une autonomie et une liberté d’action qui sont réellement exceptionnelles.

 AS : Ce qui me passionne, c’est la transversalité. J’ai la possibilité de collaborer avec différents services, d’explorer diverses thématiques et d’interagir avec une multitude de personnes. À chaque projet, je fais la rencontre de nouveaux interlocuteurs, ce qui évite toute forme de routine.

Quitter la version mobile