Surexploitées, en recul, peu touchées par le réchauffement climatique, fragilisées par les interventions des forestiers… Les préjugés sur les forêts françaises sont aussi nombreux que tenaces. Aucun, pourtant, ne résiste à la confrontation avec la réalité. Si les Français sont attachés à leurs forêts, une meilleure circulation de l’information leur donnerait une vision plus juste des enjeux touchant ces écosystèmes cruciaux.
Refuges de la biodiversité et pompes à carbone, les forêts ont un rôle pivot dans la lutte contre la crise climatique et écologique. Conscients de la nécessité de les préserver, les Français souhaitent des actions fortes dans ce sens, mais affichent une étonnante méconnaissance de la réalité des forêts françaises. C’est le principal enseignement d’une étude récente d’OpinionWay pour les Coopératives forestières françaises (UCFF) : elle révèle nombre d’idées reçues sur le patrimoine forestier français, qu’il semble urgent de déconstruire.
Préjugé n°1 : les surfaces forestières diminuent en France
Commençons par la contrevérité la plus nette et la plus partagée : 74 % des Français (80 % des moins de 35 ans) estiment que la superficie globale de la forêt a diminué au cours des deux derniers siècles en France. C’est en fait l’exact inverse : elle a doublé sur cette période.
La forêt française, la 4e d’Europe, s’étend aujourd’hui sur 17,3 millions d’hectares, soit 31 % du territoire métropolitain, contre 9,5 millions d’hectares en 1830, et 12 millions après la Seconde Guerre Mondiale. Cette reforestation se poursuit d’ailleurs encore aujourd’hui : depuis 1985, la forêt gagne régulièrement 85 000 hectares par an en Métropole, selon l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).
Préjugé n°2 : le mythe de la surexploitation des forêts françaises
Cette vision d’une forêt en recul en France est liée à un autre préjugé tenace : plus de la moitié des Français pensent que les forêts métropolitaines sont surexploitées (53 %) – 65 % pour les moins de 35 ans – et que la récolte du bois en France détruit les forêts (52 %). Or, les coupes de bois sont sévèrement encadrées : « chaque forêt dispose d’un programme d’action sur 20 ans et de réglementations strictes à respecter pour une gestion durable », précise l’Office National des Forêts (ONF).
Cet usage raisonné se traduit en chiffres : en France, seule la moitié du bois que les forêts produisent naturellement est exploité. Le bilan net est largement positif : selon l’IGN, les stocks de bois sur pied augmentent de 0,8 m³ par hectare et par an en forêt domaniale, et de 1,5 m³ en forêt des collectivités. L’usage de techniques d’exploitation respectueuses permet par ailleurs de « protéger l’intégrité physique et biologique des sols » et de « préserver la croissance des arbres et la vitalité des forêts », indique encore l’ONF.
Préjugé n°3 : le réchauffement climatique n’a aucun effet sur les forêts
Autre idée reçue, moins partagée, mais hautement problématique : 1 Français sur 4 (27 %) estime qu’il « n’existe encore aucune conséquence visible du réchauffement climatique sur les forêts ». Pourtant, les épisodes de sécheresse intense et le manque d’eau, imputables directement au changement climatique, fragilisent nos forêts, tout comme les attaques de ravageurs, que la chaleur favorise là aussi. Au total, l’IGN pointe une hausse de la mortalité des arbres de 80 % entre 2013 et 2021.
Les sécheresses provoquées par le réchauffement climatique augmentent également les risques de feux de forêt. Jusque très récemment, la France avait été relativement épargnée par les incendies hors norme. Mais ce temps semble révolu : les terribles feux de 2022 ont ravagé 61 921 hectares de forêt – autant en une année que sur l’ensemble de la période 2012-2021.
Préjugé n°4 : la non-intervention bénéficie à la préservation de la forêt
48 % des Français estiment par ailleurs que la « non-intervention » humaine est un gage de préservation des forêts. Les Coopératives Forestières (UCFF) estiment au contraire que la forêt est « plus vulnérable aux menaces environnementales » en l’absence d’intervention. C’est notamment le cas face aux parasites, insectes ou agents pathogènes, qui peuvent décimer des massifs entiers, comme l’ont récemment été ceux du Jura. L’action des forestiers permet de circonscrire une infection et d’éviter qu’elle ne devienne épidémie, sauvant ainsi des arbres par milliers.
Ces mêmes forestiers améliorent la résilience de la forêt en plantant des essences d’arbres plus résistantes aux conséquences du changement climatique. Ils œuvrent pour prévenir les incendies, et sont en première ligne quand une forêt est dévastée par une catastrophe naturelle. Face aux tempêtes, comme celles qui ont dernièrement ravagé l’Ouest de la France, les forestiers interviennent pour sécuriser les parcelles touchées, évaluer les dégâts causés, et, surtout, planifier la reconstitution de la forêt en l’accompagnant dans sa régénération naturelle ou par plantations.
Comment faire reculer ces idées reçues ?
Une telle méconnaissance conduit à des jugements faussés, et ouvre la porte à des manipulations d’opinion. Il est indispensable d’informer et de sensibiliser davantage la population française sur ces sujets, pour gommer ces préjugés et reconnecter l’opinion publique à la réalité des forêts françaises et de leur exploitation.
Il faut pour cela mieux valoriser les actions d’information des acteurs de la filière. On citera en exemple l’ONF, France Bois Forêt ou encore le PEFC (Programme de reconnaissance des certifications forestières), qui publient régulièrement du contenu pédagogique sur leurs sites.
De surcroît, des acteurs comme Fransylva ont publié des documents de sensibilisation dédiés à la déconstruction des préjugés, dont un document largement diffusé à l’ensemble de la filière : 36 idées reçues sur la forêt et le bois.
L’association Teragir a quant à elle lancé en 2022 la plateforme « La forêt et nous », rendue visible par la presse nationale et par le gouvernement, pour sensibiliser les élèves de 3 à 18 ans aux enjeux de la préservation et de la gestion durable des forêts.