Si, en France, l’été 2023 aura été moins catastrophique que le précédent sur le front des incendies, cette accalmie doit au moins autant aux efforts d’anticipation qu’aux conditions météorologiques. Mise en œuvre par des professionnels aguerris, la gestion forestière s’impose comme l’un des outils les plus efficaces pour prévenir les feux, mais aussi pour lutter contre les incendies en cours et régénérer la forêt une fois le feu maîtrisé.
Comme un « ouf » de soulagement. Après la fin de ce qui était, sans doute, le dernier épisode caniculaire de la saison, la bonne nouvelle se confirme : sur le front des incendies, l’été 2023 aura été bien moins dramatique que ne le fût le précédent, selon le compte rendu du Conseil des ministres du 30 août dernier. En effet, si le nombre de départs de feu reste dans les mêmes eaux, (12 200 à l’été 2023 contre 12 528 à l’été 2022), c’est en termes de surface brûlée que la baisse est particulièrement notable : alors que l’été 2022 avait atteint un nombre de 65 422 hectares brûlés, il se cantonne cet été à 13 450 hectares.
Encore à la fin du mois d’août, plusieurs départs de feu étaient signalés dans les Landes, en Isère, en Savoie ou encore dans le Rhône, et plusieurs départements métropolitains étaient toujours placés en vigilance orange incendies. Des feux, donc, comme tous les étés, mais pas les feux incontrôlables qui ont tant marqué les esprits en 2022.
Plusieurs constats peuvent être dressés après cette relative accalmie. Tout d’abord, le facteur humain intervenant dans neuf départs de feu sur dix, il ne faudrait pas interpréter ce bilan, provisoire, comme une victoire, même ponctuelle, sur le réchauffement climatique : ce n’est pas parce qu’il y a eu moins de feux de forêts cet été que le phénomène ne poursuit pas son œuvre, avec son cortège de sécheresses, de maladies et ravageurs divers et de dépérissements d’arbres en cascade. Surtout, des enseignements ont été tirés des erreurs commises lors du funeste été 2022, pendant lequel la violence des feux avait surpris l’ensemble des acteurs concernés par la lutte contre les incendies.
Anticipation et gestion forestière, les pierres angulaires de la lutte contre les incendies
Un an plus tard, l’anticipation est devenue la règle. Ainsi, par exemple, dans l’Aveyron, où patrouilles d’experts (pompiers, policiers, forestiers) et patrouilles « citoyennes » sillonnent désormais les forêts à l’affût de la moindre étincelle : « la détection est primordiale », explique la sous-préfecture locale, selon laquelle « plus le feu est détecté rapidement, plus les pompiers interviennent rapidement, moins le feu se propage et plus vite il est maîtrisé ». En première ligne, les pompiers français sont, justement, de plus en plus nombreux à être formés aux interventions délicates sur les feux de forêt, même si ces formations ne bénéficient encore qu’aux officiers, et l’État les a dotés de neuf nouveaux bombardiers d’eau supplémentaires par rapport à l’année dernière (dont une bonne partie est désormais stationnée en Gironde, épicentre des incendies de 2022, et non plus seulement dans l’extrême sud du pays).
Les particuliers ne sont pas en reste. La plupart des feux ayant, comme on l’a vu, une origine humaine, les propriétaires de bâtiments en lisière de forêt sont légalement tenus de débroussailler leur terrain : des obligations légales de débroussaillement (ODL) en vigueur dans 32 départements du Sud de la France et, au cas par cas, dans certaines communes. Enfin, le meilleur moyen de prévenir et maîtriser le risque d’incendie est et demeure la gestion forestière. « Les forêts entretenues sont les plus résilientes », rappelle la sénatrice Anne-Catherine Loisier, rapporteuse d’une mission sur le risque incendie : « renforcer la gestion et la surveillance à l’échelle de chaque massif forestier, c’est le meilleur moyen de protéger la forêt et les habitations ». Un constat partagé par les universitaires Thomas Curt et Eric Rigolot, selon qui « la gestion forestière est un moyen très efficace de réduire les incendies de forêts et leurs impacts ».
Gérer la forêt pendant et après l’incendie
Si la prévention est essentielle, aucune précaution ne peut totalement prémunir contre les feux. Au plus fort du brasier, les acteurs de la forêt ont, aux côtés des pompiers et forces de l’ordre, aussi un rôle à jouer. Comme le rappelle la Fédération nationale des entrepreneurs des territoires (FNEDT), dans plusieurs régions touchées par les incendies en 2022, « la mobilisation, au départ volontaire, des entreprises de travaux forestiers et de travaux agricoles a contribué fortement à certains endroits à stopper les incendies ». Pour l’organisation, « la contribution des entrepreneurs agricoles et forestiers à la lutte contre les incendies (…) est un élément majeur de la lutte contre les conséquences des incendies. Grâce à leur savoir-faire et leur engagement, ces acteurs ont démontré leur capacité à faire face aux crises et leur souhait d’aider le gouvernement, les sapeurs-pompiers et la population ».
Lors des « méga-feux » qui ont ravagé les Landes de Gascogne l’année dernière, agriculteurs, forestiers et habitants connaissant la forêt comme leur poche ont prêté main-forte aux sapeurs-pompiers, en créant des zones d’appui pour ces derniers ou en participant à ouvrir des pare-feux. Autant d’hommes et de femmes « d’un grand savoir-faire, qui connaissent parfaitement le milieu sur lequel ils travaillent toute l’année », relevait alors Pierre Macé, le directeur de la DFCI (défense des forêts contre les incendies) de Gironde. Un engagement qui se poursuit, bien évidemment, une fois le feu éteint. Replanter – le cas échéant, avec des essences mieux adaptées – ou choisir, au contraire, de laisser la nature se régénérer d’elle-même, assurer le retour de la faune dans les parcelles touchées, valoriser le bois brûlé… : telles sont quelques-unes des missions des professionnels de la forêt. Avant, pendant et après l’incendie, la gestion forestière s’impose donc comme une pratique incontournable.