Bâtir de nouveaux logements sans artificialiser les sols est devenu un vrai casse-tête pour les villes françaises. Comment répondre à la crise du logement en pleine ville, quand on ne peut plus construire ? Agrandir les villes à la verticale en surélevant les bâtiments grâce à des constructions en bois fait partie de la solution selon les spécialistes de l’habitat. La démographie en constante progression, le vieillissement de la population et l’évolution de la structure des ménages mènent en effet à une explosion des demandes de logement en ville. Au premier semestre 2,3 millions de ménages étaient en attente d’un logement social selon l’Union sociale pour l’habitat (USH). « En parallèle, l’étalement urbain et la raréfaction des terres agricoles sont un problème reconnu, explique Géraldine Bouchet-Blancou, architecte et docteure en architecture et urbanisme, auteure d’une thèse sur les surélévations. Construire au sein des périmètres urbanisés est le moyen communément admis afin de lutter contre l’étalement urbain. La densification intra-muros est cependant limitée par la rareté des terrains encore disponibles au sein des communes, ce qui incite à considérer le toit des villes comme un nouveau territoire à conquérir. »
Une technique en plein essor
La conquête des toits a déjà commencé dans plusieurs villes françaises telles que Lyon, Rouen ou Brest. « Le foncier est extrêmement difficile à trouver à Lyon, a expliqué Renaud Payre, vice-président de la Métropole de Lyon, chargé de l’Habitat, lors de la présentation d’un projet de surélévation en mars 2023. Et il y a beaucoup de personnes qui attendent un logement. C’est ça la réalité de la crise du logement ou, au moins, d’une tension. Donc, nous avons exploré la piste de la surélévation en versant une subvention exceptionnelle, que nous rendrons systématique, pour tous les bailleurs qui s’engageront dans de la surélévation. Car nous voulons absolument produire plus de logements. »
Le premier projet lyonnais de ce type, la surélévation d’une résidence sociale de Saint-Didier-au-Mont-d’Or, a ainsi permis de doubler la surface habitable du bâtiment en passant de 20 à 44 logements. Au total, ce sont 35 immeubles lyonnais qui devraient être rehaussés d’ici deux ans, ce qui permettra la création de 250 logements sociaux. Selon Géraldine Bouchet-Blancou, un peu plus de 10 % des bâtiments pourraient être surélevés dans les villes françaises, en respectant la réglementation, les contraintes physiques des bâtiments et des sols.
Le bois, une ressource privilégiée pour sa légèreté
Plus rapide à monter, plus économique que les autres matériaux, mais surtout plus léger, le bois se présente comme la solution privilégiée pour surélever les bâtiments. Environ 5 fois plus léger que le béton en moyenne, il permet de réduire la masse ajoutée à la structure existante et donc les éventuelles reprises de fondations ou la consolidation de la structure du bâtiment. Les nouvelles charges de l’ossature en bois sont ainsi réparties sur les murs porteurs existants. Autre avantage : les murs en bois sont moins épais que ceux en béton ou en brique et permettent de gagner jusqu’à 15 % de surface habitable supplémentaire, selon les constructeurs. Un chiffre non négligeable quand chaque mètre carré compte.
Poussée par cette tendance, les constructions en bois gagnent des parts sur le marché des extensions-surélévations. Selon la dernière étude de France Bois Forêt, elles représentaient déjà 30,5 % des extensions-surélévations en 2020. Au total, 14 % des projets franciliens de construction en bois identifiés étaient des projets de surélévation en 2021.
Les toits n’ont jamais été aussi convoités par les promoteurs à la recherche d’espace dans les villes. Et pour les propriétaires de logements existants, c’est une aubaine. Vendre son toit comme on vend un terrain, c’est un moyen pour beaucoup de copropriétaires de financer des travaux de rénovation énergétique, souvent très coûteux. « Les habitants y gagnent financièrement, car les bâtiments doivent être entièrement rénovés, dont l’isolation thermique. Ce procédé permet de faire 15 à 20 % d’économies d’énergie », expliquait Namori Keita, directeur général de CDC Habitat, dans un reportage TF1 du 26 avril.
Un gain à court terme, comme à long terme. Pour Julien Pemezec, directeur général du spécialiste du hors-site bois Woodeum “remplacer le béton par le bois évite la tonne de CO2 émise par m3 coulé. Résultat, on réduit de moitié l’empreinte carbone. Nos bâtiments répondent au mieux aux normes environnementales et de DPE sur un horizon de 15 ans.” Une technique gagnante donc pour toutes les parties impliquées.
Le bois français : une valeur sûre et une tendance à la hausse pour les constructions
L’utilisation croissante du bois français dans la construction reflète une tendance prometteuse. En effet – et la crise sanitaire a rappelé le rôle stratégique de la filière bois, qui assure la disposition d’une ressource naturelle de proximité – le bois est le seul matériau de commodité où la France peut s’appuyer sur un approvisionnement en bonne part indépendant : 64 % du bois d’œuvre consommé provient de la forêt française.
Un circuit favorable à l’économie locale qui ne nuit pas au patrimoine écologique français : au cours des deux derniers siècles, la superficie des forêts françaises a augmenté de 30 %, témoignant de l’engagement de la filière pour préserver et même développer cet héritage.
Illustratives de cet intérêt, de grandes entreprises françaises se sont pleinement engagées dans cette démarche. C’est notamment le cas de Bouygues Construction, qui a établi un accord avec la Fédération nationale du bois (FNB) et le label Bois de France, s’engageant à utiliser 30 % de bois français en 2021 et à augmenter ce taux à 50 % en 2025.
Si ces démarches favorisent la croissance de l’industrie du bois tout en renforçant la durabilité des projets de construction, elles s’appuient aussi sur des garanties de traçabilité et de qualité des matériaux, sous forme de certifications. Celles-ci témoignent d’une chaîne d’approvisionnement responsable et durable. On citera par exemple le label BOIS DE FRANCE, dont la filière forêt bois est à l’initiative, qui garantit que le bois est issu des forêts françaises et que sa transformation, son assemblage et l’emballage des produits sont effectués en France.