C’est une information qui, tout en bouleversant l’image que le grand public se fait des forêts, a de quoi inquiéter, car elle s’ajoute à l’avalanche de prévisions plus pessimistes les unes que les autres sur l’état de la planète. En France, la capacité de stockage du CO2 par les écosystèmes forestiers aurait été divisée par près de deux en une dizaine d’années seulement, d’après les derniers chiffres révélés début juin par le ministère de la Transition écologique et énergétique. Une dégradation des capacités de stockage déjà pointée du doigt il y a un an par le Haut conseil pour le climat, et que le gouvernement qualifie de « préoccupante ».
Le réchauffement climatique menace les forêts
« Tout le monde est resté sur l’idée que la forêt constituait un puits de carbone stable, mais ce n’est pas du tout le cas », alerte le climatologue Philippe Ciais dans les pages du Monde. En cause, bien entendu, le changement climatique, qui fragilise les peuplements – mais pas seulement. Pour certains, l’augmentation de la récolte de bois aurait aussi un effet sur le moindre stockage du CO2 des arbres.
Pourtant, la récolte de bois est loin d’être la première raison de la baisse du puits carbone forestier. La mortalité des arbres a enregistré une hausse spectaculaire de plus de moitié en une décennie (+54 %). En cause, la succession d’épisodes de sécheresse, les incendies ou encore la multiplication des attaques de ravageurs avec une prolifération d’insectes ou de champignons renforcée par le dérèglement climatique. Autant de facteurs qui contribuent au dépérissement des forêts et à l’affaiblissement de leur fonction de captage et de stockage de CO2.
Ces facteurs justifient aussi l’augmentation de la récolte de bois (+ 20 % en une décennie) nécessaire pour prélever les bois morts ou malades, voire pour sauver les peuplements qui peuvent l’être. Avec le réchauffement climatique, ces « coupes sanitaires » deviennent de plus en plus incontournables pour la sécurité du public en forêt et la santé des peuplements. Couper ces arbres avant qu’ils ne se dégradent, permet aussi de les valoriser en produit bois (construction, ameublement ou autres) et assurer ainsi un stockage carbone.
Sans « peser » autant dans la balance que les divers effets du réchauffement climatique, la coupe de bois est par ailleurs encouragée à l’avenir par les pouvoirs publics pour atteindre les objectifs climatiques de la France.
Couper du bois pour viser la neutralité carbone
Car la récolte de bois et sa valorisation sont nécessaires pour se substituer aux matériaux et aux énergies fossiles et assurer le stockage du carbone (dans les produits bois) : « Par sa capacité à (…) réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine fossile, le secteur forêt-bois est stratégique pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050 » souligne
l’ADEME. Dans les différents scénarios prospectifs proposés par l’ADEME 2050, le bois joue d’ailleurs un rôle majeur pour la rénovation des bâtiments, comme pour le remplacement d’énergies fossiles. Impossible donc de se défaire de la récolte de bois pour lutter contre les effets du changement climatique.
La coupe d’arbres remplit bien d’autres fonctions. Dans le cadre de la gestion durable des forêts françaises, la coupe d’arbre permet aux plus beaux d’entre eux de se déployer, et de produire, à terme, un bois de qualité pour la conception de produits bois longévifs, disposés à stocker le plus longtemps possible le carbone. Le tout sans entraver la croissance des massifs forestiers. Comme le rappelle l’ingénieur forestier Philippe Riou-Nivert, « on ne coupe en France que la moitié de la production annuelle (de bois). L’autre reste sur pied ». Enfin, la coupe de bois rend possible le renouvellement des parcelles sinistrées avec de nouveaux peuplements plus résilients. Dans le cadre de la gestion forestière, les coupes de bois sont donc nécessaires pour adapter les forêts au changement climatique et répondre aux objectifs de neutralité carbone.
Entre changement climatique et neutralité carbone, nombreux sont donc les défis qui attendent la filière forêt-bois, qui s’est d’ailleurs réunie la semaine dernière du 22 au 24 juin à Saint-Bonnet-de-Joux (71) lors du salon Euroforest. Un moment d’échanges, nécessaire selon son président Jean-Philippe Bazot qui y voit « un moment essentiel à la construction d’une vision commune de l’avenir de nos forêts, loin des clichés, des simplifications et des solutions toutes faites ». Et le président d’Euroforest de souhaiter qu’en « partageant l’expertise et surtout la passion de chacun des acteurs de la filière, (soit) lancé un élan qui devrait cristalliser tous nos efforts autour de cette filière dont le dynamisme bénéficie à toute la société ».