Une première réponse législative, près d’un an après les terribles feux qui ont ravagé des dizaines de milliers d’hectares dans le sud et le sud-ouest de la France. Mercredi 18 mai, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi « visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie ». Cet inédit train de mesures a été, avant sa probable adoption en commission mixte paritaire, voté à l’unanimité par les députés, les rapporteurs du texte tenant à souligner que la prévention des feux de forêts constitue, à l’approche d’un nouvel été à haut risque, « une priorité de premier plan » pour le législateur.
Le texte, qui vise à lutter contre les « méga-feux » – ces incendies incontrôlables dont l’intensité « dépasse l’entendement, en termes de superficie, en termes d’énergie, de vitesse de propagation », d’après la description qu’en livre Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers –, contient un arsenal de mesures diverses. Parmi celles-ci, l’élaboration, d’ici à l’année prochaine, d’une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts ; la meilleure régulation des interfaces forêts-zones urbaines, en renforçant notamment les obligations légales de débroussaillement (OLD) ; la promotion de la sylviculture et l’amélioration de l’aménagement des massifs forestiers ; la mobilisation du monde agricole ; et, enfin, la sensibilisation du grand public avec, entre autre, l’interdiction de fumer dans des massifs classés à risque – une mesure dont le non-respect pourra être puni jusqu’à dix ans de prison et 150 000 euros d’amende.
Des incendies plus nombreux et plus dévastateurs
Si la définition d’un « méga-feu » demeure, en l’absence de consensus scientifique, sujette à interprétation, une chose semble certaine : jusqu’alors cantonnés à la Californie, ces incendies hors-norme vont se multiplier en Europe dans les années à venir. D’ici 2050, les surfaces brûlées pourraient ainsi augmenter de 80 %, dans la seule zone méditerranéenne. La faute au changement climatique qui, entraînant sécheresses et stress hydrique, pourrait d’ici à la même date augmenter de 50 % l’exposition des forêts françaises au risque incendie. Pour le climatologue et ancien vice-président du GIEC Jean Jouzel, « des températures supérieures à 30°C, un tauxf d’humidité inférieur à 30 %, des vitesses de vent supérieures à 30 mètres par seconde sont les conditions idéales pour une extension importante des feux ».
En somme, il va faire plus chaud, plus sec et plus longtemps. Un cocktail – littéralement – explosif qui devrait, selon un rapport publié en février 2022 par les Nations unies, conduire à une augmentation mondiale des méga-feux de 9 % à 14 % d’ici à 2030, de 20 % à 33 % en 2050 et de 31 à 52 % à l’horizon 2100. Or ces méga-feux, qui ne comptent aujourd’hui « que » pour 3 % des incendies, sont d’ores et déjà responsables de plus de la moitié des surfaces brûlées sur la planète. L’heure est donc à l’urgence et, pour lutter contre les incendies, seule une mobilisation collective pourra porter des fruits. « Chacun à son niveau doit apporter sa contribution, notamment les particuliers riverains des forêts, les propriétaires forestiers et les communes forestières (…) Nous devons trouver les réponses complémentaires pour faire face à la hausse de la menace », assure la députée Sophie Panonacle, rapporteur du projet de loi récemment adopté.
« Les forêts entretenues sont les plus résilientes »
Si chacun a un rôle à jouer dans la préservation des forêts, les forestiers sont évidemment en première ligne face au risque d’incendie. Comme le rappelle Françoise Alriq, directrice adjointe de la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR), « le changement climatique fragilise les forêts et le phénomène est trop rapide pour elles. Il faut les protéger, les aider à s’adapter en les gérant avec humilité comme le font les forestiers ».
Débroussailler, entretenir les chemins, repérer les arbres malades, planter de nouvelles essences mieux adaptées aux conditions météorologiques… : l’intervention des forestiers devient une question de vie ou de mort pour des forêts incapables de suivre le « rythme » du dérèglement du climat. Un constat partagé par la sénatrice Anne-Catherine Loisier, selon qui « renforcer la gestion et la surveillance (…) est le meilleur moyen de protéger la forêt et les habitations. Les forêts entretenues sont les plus résilientes ».