Développer les usages du bois tout en préservant nos écosystèmes forestiers ? Pas une mission impossible, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), à condition de trouver un « point d’équilibre » entre ces deux impératifs sans lesquels, prévient l’établissement public, « nous n’atteindrons pas les objectifs de la transition écologique ». Aucun des quatre scénarios explorés dans le cadre de son rapport « Transition(s) 2050 », publié en 2022, ne peut en effet faire l’impasse sur l’exploitation du bois, et ce dans des secteurs aussi divers et variés que l’énergie, la construction ou les matériaux.
Le bois, une solution renouvelable pour remplacer certains matériaux polluants
Jérôme Mousset, directeur Bioéconomie et énergies renouvelables à l’ADEME, est formel : « nous n’atteindrons pas l’objectif en nous appuyant seulement sur le rôle de puits de carbone des forêts », même si celui-ci demeure indispensable. La France doit, impérativement, décarboner son économie. Or le bois – à condition qu’il provienne de forêts gérées durablement – « est une solution renouvelable pour se substituer à certains matériaux émetteurs de gaz à effet de serre, ou aux énergies fossiles », assure encore le spécialiste.
La preuve par l’exemple dans le BTP, un secteur qui représente, à lui seul, 38 % du total des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie. Recourir au bois dans la construction d’immeubles permet ainsi de réduire drastiquement leur bilan carbone : à Bordeaux, par exemple, le bilan carbone de la nouvelle tour Hypérion, un édifice de 16 étages et 57 mètres de haut doté d’une façade en ossature bois, est presque inférieur de moitié (-45%) à celui d’une construction traditionnelle équivalente.
Les forestiers, des acteurs indispensables de la gestion durable des forêts
Si le bois apparaît donc comme une solution d’avenir, développer ses divers usages ne pourra se faire qu’en conduisant une gestion durable des forêts. C’est-à-dire un mode de gestion qui concilie l’ensemble des « services rendus » par ces espaces naturels – et ceux-ci sont innombrables. La forêt remplit ainsi une fonction écologique, en abritant la biodiversité et en purifiant l’eau souterraine ; une fonction climatique, en représentant un puit de carbone ; une fonction économique, en fournissant matériaux de construction, papier, énergie, meubles, etc. ; une fonction paysagère, en contribuant à l’attractivité des territoires ; une fonction sociale, en accueillant gratuitement promeneurs, sportifs et cueilleurs de champignons ; etc.
Relativement récent – il est apparu au début des années 1990 –, le terme de « gestion durable » recouvre, d’après Albert Maillet, directeur Forêts et risques naturels à l’Office national des forêts (ONF), « des façons d’agir qui sont parfois ancestrales, en particulier en France dans les forêts publiques ». L’expression est, rappelle l’expert, indissociable « d’une intervention du forestier sur le long terme, avec la perspective permanente que cet écosystème perdure et s’enrichisse grâce à la préservation des sols, de l’eau, de la biodiversité ».
Cette gestion durable, il revient donc aux forestiers de la mener de front avec la lutte contre le dérèglement du climat. « Tous les forestiers sont donc non seulement concernés par le changement climatique, mais ils sont aussi des acteurs essentiels de ce combat », assure Tancrède Neveu, responsable du service Carbone chez ALLIANCE Forêts Bois, qui rappelle la multiplicité des actions des forestiers : « garantir la santé et la pérennité des écosystèmes forestiers, tout en assurant la production et la mobilisation du bois dont les entreprises et les industries de nos territoires ont besoin, ainsi que les usages récréatifs ». De multiples tâches, donc, pour de multiples défis.