5 000 milliards de morceaux de plastique flottent aujourd’hui dans les océans ; toutes les espèces d’oiseaux marins mangeront régulièrement du plastique d’ici à 2050 ; 79% des près de 7 milliards de tonnes de plastique produites par l’humanité depuis 2015 s’entassent dans des décharges à ciel ouvert ou se dispersent dans la nature ; et, selon les estimations, le plastique aurait une durée de vie de 450 ans minimum, et peut-être bien plus encore… Donnant le vertige, ces quelques chiffres permettent à peine de prendre la mesure du véritable raz-de-marée d’emballages qui se déversent continuellement sur la planète et dans ses océans. Pour tenter de juguler l’hémorragie, l’Union européenne (UE) vient de proposer une série de mesures destinées à réduire les déchets d’emballages et à encourager la réutilisation et le recyclage.
Il y a urgence. Alors que chaque Européen produit près de 180 kg de déchets d’emballages par an, l’UE pourrait, en l’absence de réaction, enregistrer une augmentation supplémentaire de 46% de ses déchets d’emballages plastiques d’ici à 2030. Limiter les emballages inutiles, réduire de 15% les déchets d’emballages à l’horizon 2040, promouvoir les solutions réutilisables, rendre tous les emballages recyclables… font ainsi partie des mesures présentées en octobre dernier par la Commission européenne dans le cadre de son « Pacte vert pour l’Europe ». La France a, quant à elle, adopté dans le cadre de la loi Agec (« Anti-gaspillage pour une économie circulaire »), le principe d’une interdiction, d’ici à 2040, des emballages plastiques à usage unique. Autant d’initiatives qui mettront des années – pour ne pas dire des décennies – à produire leurs effets ; en attendant, quelles sont les alternatives au tout plastique et à ses effets délétères sur l’environnement ?
Les emballages bois ou verre, des alternatives non sans défis
Renouvelables et issus de forêts gérées durablement, les emballages bois (palettes, caisses industrielles, emballages légers, tonneaux, carton ondulé, etc.) font partie de ces alternatives présentées comme plus écologiques que le plastique. Ainsi, en termes de bilan carbone, le carton ondulé, qui est 100% recyclable et biodégradable, produit à la fin de son cycle de vie quatre à six fois moins de CO2 que le plastique ou que l’aluminium (784 kilos de CO2 par tonne, contre plus de 4 250 kg/tonne). De même, près de huit palettes recyclées sur dix peuvent être remises sur le marché, les 20% restants étant transformés en broyat (à des fins de valorisation matière ou énergétique). Des atouts qui font des emballages bois une alternative durable au plastique, d’autant plus que la France se positionne en leader sur le marché de l’emballage bois.
Avec 1,5 milliard d’euros et 20% du chiffre d’affaires de la filière européenne, l’Hexagone se place en effet en tête des pays de l’UE dans la production d’emballages bois. Longtemps relégué en marge du marché de l’emballage, le secteur de l’emballage bois bénéficie depuis plusieurs années d’un net regain d’intérêt, qui accélère sa mutation en profondeur. Si les palettes et caisses-palettes demeurent la solution la plus populaire, avec plus de la moitié du chiffre d’affaires du secteur, l’engouement porte désormais sur les emballages composés de biomatériaux.
Avec sa durée de vie étendue et sa capacité à être recyclé à l’infini, l’emballage verre est plébiscité pour son côté réutilisable. Le verre contribue notamment à l’image de marque des entreprises qui l’utilisent. Mais le grand retour du verre dans les rayons des supermarchés est intrinsèquement conditionné à celui de la consigne : abandonné dans les années 1960 au profit du plastique à usage unique, le système de consigne se heurte aujourd’hui à l’opposition farouche des enseignes de grande distribution, qui voient dans la généralisation des points de collecte de verre un coût supplémentaire. Au contraire du vrac, cette alternative zéro déchet qui, quant à elle, semble se frayer un chemin sur les étalages des grandes surfaces – mais n’est pas généralisable à tous les produits.
« Le 100% recyclé n’est possible pour aucune matière »
Changer les modes de consommation ou les matériaux des emballages permet bien de limiter la pollution due au plastique – mais cela permettra-t-il de la supprimer totalement ? Certains en doutent, à l’image de Hervé Guerry, le président de la start-up Cycl-Add, spécialisée dans les matières plastiques issues de déchets réputés non-recyclables : « d’une manière générale, le 100% recyclé n’est possible pour aucune matière, que ce soit pour le plastique, l’acier, le verre ou le carton. Aujourd’hui, les freins sont encore trop nombreux », assure l’entrepreneur. Les processus de recyclage demeurent donc perfectibles : alors qu’entre 1,9 et 4,5 millions de tonnes de déchets plastiques sont, chaque année, jetées en France, seul un peu plus d’un quart (26%) de ces déchets sont aujourd’hui recyclés.