Les dizaines de milliers d’hectares de forêts partis en fumée cet été ne sont pas tous perdus. Il existe des méthodes de valorisation du bois brûlé. Décryptage.
L’été 2022 qui a vu les températures estivales atteindre des sommets inquiétants, a aussi été le théâtre d’une catastrophe environnementale. Les nombreux feux de forêts, dont les plus spectaculaires ont été ceux de Gironde, ont laissé les propriétaires, les habitants mais aussi les amoureux des espaces verts désemparés. Pour retrouver à nouveau les forêts verdoyantes d’avant les incendies, une longue et fastidieuse tâche de reconstruction attendra les forestiers.
La récolte du bois brûlé pour préparer l’avenir des espaces forestiers
« Pour le moment, il faut encore éteindre complètement les incendies. Et, ensuite, nettoyer les parcelles calcinées pour éviter que se développent des parasites, notamment les scolytes, qui s’attaquent au bois mort », expliquait France Bleu Gironde le 29 juillet dernier. Les scolytes représentent effectivement un danger important pour les forêts car ils s’attaquent et tuent les bois déjà fragiles et peuvent rapidement devenir une menace pour les forêts intactes. Ces missions d’assainissement qui dureront plusieurs mois (huit mois en Gironde), comprennent la récolte et la vente du bois brûlé.
Car le « bois brûlé existant (…) peut être valorisé », ajoute Marion Laquerre, ingénieure forestière. Mais avant toute chose, une étude de restauration de terrain incendié doit être menée afin « d’apporter une expertise sur les risques post-incendie : chute d’arbres calcinés menaçant des enjeux, éboulements, glissements de terrain ou éventuelles inondations », précise Marion Toutchkov, experte au sein de l’agence DFCI (Défense des Forêts Contre les Incendies) en Aquitaine. Le but ? Connaître l’état des dégâts et sauver ce qui peut l’être, car « seules les parties fines de la végétation brûlent ; les troncs vivants ne se consument pas totalement », indique l’Office National des Forêts (ONF).
Une valorisation au « cas par cas »
En Gironde avec « un million de mètres cubes de bois incendiés (…) [soit] un tiers de ce que l’on récolte habituellement en une année », fait savoir Stéphane Latour, directeur d’une interprofession filière bois dans les Landes de Gascogne, la valorisation du bois brûlé nécessite un travail d’analyse minutieux afin de déterminer quels sont les bois sauvables et ceux inutilisables. « Selon l’intensité du feu […] le cœur [du bois] reste exploitable », précise Églantine Goux, ingénieure forestière. Antoine d’Amécourt, le président de Fransylva, la Fédération des syndicats de forestiers privés de France, abonde : « En le récoltant rapidement, le bois peut être utilisé et revendu », car le marché est « assez porteur », estime-t-il, pour pouvoir écouler une partie du bois récolté. Quand bien même cela se fera au « cas par cas ».
En effet, certains secteurs, comme la papeterie, la construction, ou encore l’ébénisterie, ne peuvent pas travailler avec du bois partiellement brûlé. Les « impacts et [les] traces superficielles de l’incendie peuvent [donc] conduire à un déclassement [des] usages possibles [du bois] ». Les pins, par exemple, peuvent être valorisés pour l’énergie dans les centrales à biomasse ; quant aux chênes, ils peuvent être utilisés comme bois de chauffage « s’ils sont en bon état », précise l’ONF. Dans le cas contraire, ils seront directement broyés avec les pins pour produire de l’énergie. Les parties non noircies par le feu du pin d’Alep pourront également être transformées en pâte à destination de la filière papetière.
Pour les propriétaires de forêts, la valorisation du bois brûlé peut permettre de compenser partiellement le manque à gagner causé par les incendies ou de financer une partie des travaux de reboisement. La commune d’Anglet (Pyrénées-Atlantiques), qui a, par exemple, assisté, en juillet 2020, à l’embrasement de la forêt de Pignada, a pu récolter près de 250 000 euros grâce à la vente de son bois. Soit la moitié du coût de reconstitution des 80 hectares de massif forestier à sa charge.