Le groupe EDF vient d’annoncer le lancement d’un vaste plan hydrogène bas carbone, doté de 2 à 3 milliards d’euros, avec des applications dans de nombreux domaines : transports, industrie, etc. Alors que les tensions sur le gaz russe menacent l’approvisionnement des Européens, miser, comme la France a choisi de le faire, sur une production nationale d’hydrogène décarboné, contribue à renforcer l’indépendance énergétique du Vieux continent tout en luttant contre le dérèglement climatique.
En matière de lutte contre le dérèglement climatique, les bonnes nouvelles sont aussi rares que précieuses. Raison supplémentaire de se féliciter qu’EDF vienne de dévoiler un ambitieux « Plan Hydrogène » 100% bas carbone. L’électricien a en effet présenté, le mercredi 13 mars, son nouveau programme industriel doté de deux à trois milliards d’euros, qui devrait permettre de fournir 3 gigawatts (GW) d’ici 2030. Soit une production annuelle de 450 000 tonnes de ce gaz d’avenir, qui permettra d’éviter l’émission de 3 millions de tonnes de CO2 et devrait positionner le groupe français comme l’un des leaders européens de la production d’hydrogène bas carbone. Il s’agit, pour Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF, d’une « nouvelle étape indispensable vers l’objectif de neutralité carbone » tel que défini par l’Accord de Paris signé en 2015.
Concrètement, la production d’hydrogène sera assurée par Hynamics, une filiale dédiée lancée par EDF en 2019, et plusieurs partenaires industriels du groupe. Le procédé avancé est celui de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, une technologie de pointe qui sépare, grâce à des électrolyseurs – produits par la société McPhy, dans laquelle EDF a pris une participation – les molécules d’eau en oxygène et hydrogène gazeux. Les applications et utilisations finales sont nombreuses : l’hydrogène peut ainsi jouer un rôle majeur dans la décarbonation des mobilités lourdes que sont les autobus, les camions, les bennes à ordures ou encore certains trains ; il peut aussi contribuer à décarboner les transports aérien et maritime ; enfin et surtout, l’hydrogène peut aider à décarboner en profondeur certains process industriels tels que ceux utilisés dans les secteurs de la chimie, de la sidérurgie, de la cimenterie, du textile ou du raffinage, pour lesquels l’électricité ne s’impose pas comme une solution sans contraintes.
L’hydrogène décarboné, un atout pour le climat et pour l’indépendance énergétique européenne
Pour disruptive qu’elle apparaisse, l’annonce d’EDF s’inscrit pourtant dans une implication de longue date du groupe autour de l’hydrogène. Au début des années 1970, alors que tous les regards et efforts de recherche semblent tournés vers le nucléaire, les équipes R&D de l’électricien réalisent la prouesse de construire un démonstrateur atteignant la puissance de 20 mégawatts : un record mondial qui, cinq décennies plus tard, n’a toujours pas été détrôné. Voilà pour le passé ; mais c’est du futur, et même du futur très proche, dont l’hydrogène bas carbone nous parle. Celui d’un monde plus incertain que jamais, un monde dont l’avenir énergétique se joue aujourd’hui, un monde, enfin, dont l’axe a basculé à la faveur de la guerre en Ukraine. Conséquence de la crise ukrainienne, la France et, plus largement, l’Europe toute entière, se doivent désormais de trouver des alternatives au gaz russe. Alors que l’écrasante majorité (95%) des 80 millions de tonnes d’hydrogène aujourd’hui produites dans le monde l’est à partir d’énergies fossiles – et notamment de gaz –, produire, en France, un hydrogène 100% bas carbone répond donc à deux impératifs majeurs : climatique, bien entendu, mais aussi en termes d’indépendance et de souveraineté énergétiques.
Premier fournisseur de gaz naturel de l’Union européenne (UE), la Russie détient grâce à cette dépendance un considérable moyen de pression sur le Vieux continent, dont les diplomaties nationales apparaissent divisées face au Kremlin. Une division qui prévaut également en matière énergétique, y compris sur la question de l’hydrogène décarboné : alors que l’Allemagne mise sur l’importation d’hydrogène depuis des pays fortement producteurs comme la Namibie ou… l’Ukraine, la France, quant à elle, fait le pari d’une production nationale et européenne indépendante des importations extracommunautaires. Pouvoir s’appuyer sur de véritables champions industriels comme EDF demeure donc un axe absolument central dans la stratégie tricolore – un choix qui, depuis le début de la guerre en Ukraine, s’en trouve malheureusement confirmé par les tragiques développements de l’actualité à l’Est de l’Europe.
Maîtriser l’ensemble du cycle de production pour s’imposer comme un leader mondial
Au-delà de ces évidents avantages environnementaux et géopolitiques, bâtir une véritable filière française de l’hydrogène bas carbone représenterait un vivier d’emplois hautement qualifiés et non-délocalisables. On estime ainsi à 100 000 le nombre d’emplois que la production d’hydrogène pourrait générer sur le territoire hexagonal d’ici à 2030. Faisant partie des premiers pays à avoir identifié, dès 2018, le potentiel de l’hydrogène décarboné, la France a désormais l’ambition de maîtriser l’ensemble de son cycle de production, en mettant sur pied des écosystèmes totalement intégrés. De quoi s’imposer, à l’heure de la transition énergétique, comme l’un des pionniers et des leaders mondiaux de cette énergie du futur. Cocorico ?