Menacée par les submersions marines, la ville portuaire de Saint-Malo remplace ses légendaires brise-lames qui protègent la digue.
Les effets du changement climatique n’épargneront pas les côtes françaises. Si la menace était déjà perceptible, le rapport des experts du climat de l’ONU (GIEC), rendu fin février, confirme son ampleur. La montée du niveau des mers et les bouleversements météorologiques amplifieront les risques de submersions marines. « Selon le Giec, un événement de submersion centennal (…) deviendra annuel à la fin du siècle si aucun effort n’est réalisé pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre », prévient Robert Vautard, directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace au Figaro.
Une muraille de chênes historique à Saint-Malo
Pour protéger ses digues et ses habitants des inondations, les communes côtières mettent en place des dispositifs de protection. Comme à Saint-Malo, où 500 brise-lames sont en cours de remplacement. Les brise-lames ont initialement été plantés dans le sable à la fin du XVIIe siècle. Présents sur les cartes postales et les photos de famille, ces pieux de bois font partie intégrante de l’identité malouine. À tel point que Chateaubriand lui-même détaille dans ses Mémoires d’Outre-Tombe (1848) comment, plus jeune, il se cachait et grimpait sur cette “forêt marine”.
Une protection indispensable…
Ces troncs de bois sont indispensables pour protéger la digue des assauts de la mer. « Le brise-lames permet d’atténuer la force de la vague sur la digue », explique Sandrine Mary, Chargée de mission à la Direction Départementale des Territoires et de la Mer. Depuis deux siècles, les brise-lames installés en quinconce protègent la digue de Saint-Malo, déjà fragilisée par la violence des vagues. Leur puissance est telle que les zones de la digue trop exposées aux vagues menacent de s’effondrer, mettant en danger la sécurité des habitants.
Aujourd’hui, l’heure du renouvellement est donc venue. Un chantier impressionnant financé entièrement par l’Etat et rythmé par les marées, a pris place aux fenêtres des Malouins pour remplacer 500 des 3 000 pieux de bois.
Un bois résistant et durable
Ces pieux proviennent des forêts françaises environnantes de Laval, de Ploërmel et de Rouen. Des forêts gérées durablement dans lesquelles ont été sélectionnés des chênes à nœuds de 7 mètres de long, particulièrement résistants à la force des vagues. Construits à partir d’une ressource renouvelable et naturelle, les brise-lames accueilleront une nouvelle biodiversité marine à la faveur de l’empreinte laissée par les vagues et leur salinité, qui vont rider et creuser les troncs d’arbres.
Un nouvel usage pour les anciens brise-lames
Les anciens brise-lames quant à eux ne seront pas tous jetés, certains auront une seconde vie. Une véritable économie circulaire se mettra en place à l’issue du chantier, en avril 2022. Certains des brise-lames seront utilisés comme objet de décoration par la ville tandis que d’autres, sur accord avec l’Etat, seront revendus aux Malouins, qui apprécient particulièrement ces pieux de bois. L’intégralité des profits générés par ces ventes servira la réhabilitation du patrimoine, y compris celle des remparts de la digue.