Ce n’est pas un scoop, la vie des arbres est très largement conditionnée par le climat. Entre les années 1980 et 2000, ont été étudiés les effets sur la forêt de l’augmentation du CO2 atmosphérique, du changement climatique, des pollutions longue distance (dépôts acides ou azotés, ozone), des changements d’usage des sols, de la dissémination d’espèces par l’homme, de l’augmentation du grand gibier et les éventuels déséquilibres sylvo-cynégétiques des populations de cervidés, etc. Et d’après un rapport de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, « pour l’essentiel, la vie des espèces est conditionnée par le climat, qui est lui-même notamment caractérisé par l’énergie lumineuse disponible, les températures et la disponibilité en eau. C’est particulièrement déterminant pour les arbres, espèces immobiles et à cycle de vie long. »
Une répartition géographique remodelée
En plein contexte de changement climatique qui plus est sur un temps court, les arbres sont donc logiquement très impactés. Ledit impact se manifeste par un réarrangement de la répartition géographique des espèces dont la pérennité est remise en question.
Pour apporter un peu de concret, le rapport cite, comme exemple, le cas du chêne vert en Méditerranée. « L’augmentation des températures permet aux espèces de s’installer plus au nord ou plus en altitude. À nos latitudes, le chêne vert illustre bien ce phénomène. En France, il est cantonné actuellement à la zone méditerranéenne et à une mince frange atlantique. » Mais avec le réchauffement climatique, celui-ci pourrait remonter jusqu’en Aquitaine, et dans l’Ouest en général. Pour observer un autre mouvement géographique, il faut prendre un peu de hauteur. En montagne, où il fait de moins en moins froid, certaines espèces gagnent du terrain en altitude. Pas moins de 66 mètres entre 1965 et 1985, d’après une analyse statistique sur un grand jeu de relevés floristiques effectué entre 1965 et 1985.
L’eau : facteur déterminant
Mais il s’agit là essentiellement d’espèces méditerranéennes. Dans le reste de la France, la répartition des espèces d’arbres est essentiellement conditionnée par l’alimentation en eau. Et sur ce point, les arbres tendent plutôt à perdre du terrain. Ainsi épicéas, sapins et hêtres, « souffriront, sur la plus grande part de leur aire actuelle, de l’assèchement des sols superficiels », prévient le rapport.
Autres menaces qui tendent à croître, même en cas de changement climatique modéré, celles des ravageurs et des pathogènes. Le rapport démontre que « parmi les principaux insectes ravageurs et pathogènes affectant les forêts françaises, plus de la moitié de ceux-ci montrent un niveau de population plus élevé ou bien étendent leur aire de distribution par rapport à la situation des années 1970-1980. » Les chenilles processionnaires du pin, pour ne citer qu’elles, évoluaient bien au sud d’Orléans au début des années 1970. En 2011, elles étaient aux portes de Paris. La raison ? L’augmentation moyenne des températures minimales.
Passer à l’action
Pour ce qui est des insectes ravageurs, le problème va s’aggraver, les hausses de températures favorisant leur développement. Les insectes se propagent donc plus rapidement. Pour ne rien arranger, c’est aussi la fréquence des accidents climatiques qui va s’accélérer. Le projet de recherche ENSEMBLES mené sur la période 2004-2009 et appartenant au programme européen FP6-6e PCRD fait état d’une augmentation de la fréquence des vagues de chaleur (sécheresses), d’une aggravation continue de l’intensité moyenne des sécheresses édaphiques (du sol, ndlr) en France d’ici à la fin du siècle, ainsi que des changements saisonniers et d’événements de pluies intenses. En conséquence, la teneur en eau des arbres sera moindre, entraînant des risques d’incendie et des risques de propagation d’autant plus importants.
Face à ce constat plus que préoccupant, Paul Vergès, président de l’Observatoire national sur les effets du changement climatique, appelait de ses vœux une prise de conscience et insistait sur la nécessité de se relever les manches. « Notre responsabilité est incontestablement de passer à l’action pour assurer que les neuf à dix milliards d’humains qui peupleront la planète au milieu du XXIe siècle vivront en harmonie avec leurs forêts. Cela sera possible seulement si nous sommes capables de nous mobiliser pour une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre. » Au-delà de la seule limitation des émissions, les professionnels de la forêt sont au premier plan pour mesurer l’ampleur des dégâts causés dans les forêts et mettre en place différents initiatives pour favoriser leur adaptation au changement climatique.