L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) se tient à Marseille depuis le 3 septembre et durera jusqu’au 11. Les participants, d’horizons divers, ONG comme entreprises, tentent de s’accorder sur des solutions d’urgence possibles pour endiguer l’effondrement du vivant. Et la mission s’annonce de taille. Certains présidents de grands groupes, à l’image d’Antoine Arnault (LVMH), vantent les mérites de ce congrès et y voient un changement d’époque.
Le monde vit actuellement l’extinction de l’Holocène, aussi appelée « sixième extinction de masse ». Ici, point de météorite tueuse de dinosaures ou de supervolcans entrant en éruption. Non, cette extinction est attribuée… à l’Homme, plus précisément à l’activité humaine. Conséquences : le dérèglement climatique se poursuit inexorablement et la faune et la flore sont fortement impactées : oiseaux, insectes, mammifères, plantes, aucune espèce n’est épargnée.
30 % des espèces d’insectes menacées d’extinction
Les statistiques parlent d’elles-mêmes. Entre 1970 et 2016, « les effectifs de plus de 20 000 populations de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de poissons » ont chuté de 68 % », selon le rapport « Planète vivante » du Fonds mondial pour la nature (WWF) publié en septembre 2020. Des chiffres qui atteignent 94% pour les Caraïbes et l’Amérique latine. Rien qu’en 2020, 31 espèces menacées se sont éteintes. Côté insectes, le constat donne aussi le bourdon. Selon une récente étude publiée dans la revue Biological Conservation, plus de 30 % des espèces d’insectes dans le monde sont menacées d’extinction.
La France n’échappe pas à ce triste constat. Par exemple, les populations d’oiseaux en milieux agricoles et urbains ont diminué respectivement de 29,5% et de 27,6%, d’après une étude de 2020 menée par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), l’Office français de la biodiversité (OFB) et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).
« La science se met en position d’envoyer des messages politiques »
La conservation de la biodiversité est évidemment le thème central du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui s’est ouvert vendredi 3 septembre à Marseille en présence du président de la République, Emmanuel Macron. Pendant une semaine, un millier de participants – chefs d’État, ONG, entreprises et citoyens de 160 pays – vont réfléchir à des actions concrètes pour tenter d’endiguer le phénomène.
Comme indiqué sur le site de l’UICN, cette manifestation est l’occasion de rassembler et mobiliser le réseau mondial de la conservation ; d’identifier et d’échanger sur les questions des écosystèmes et des espèces et d’influer sur les priorités d’action. En d’autres termes, influencer les décideurs politiques et économiques pour mettre en place des mesures de préservation du vivant.
Au regard de l’urgence, cette manifestation est attendue comme un moment où gouvernements, entreprises, ONG, société civile, experts scientifiques travaillent de concert pour esquisser une feuille de route. Louable, mais le combat s’annonce d’ores et déjà difficile. Pour François Chartier, chargé de campagne Océan Greenpeace, « l’UICN est un objet un peu hybride avec des États qui en sont membres et des organisations non gouvernementales. (…) C’est le lieu où la science se met en position d’envoyer des messages politiques. »
Antoine Arnault « Toutes nos branches d’activités ont une relation avec la nature »
Lors de l’ouverture du congrès, vingt grands patrons sont venus assurer leur volonté de s’engager en faveur de la biodiversité. Parmi eux, Antoine Arnault, administrateur du groupe LVMH. Si la présence de présidents de grands groupes peut ressembler à une opération de communication, il s’agit là, en tout cas, d’une première pour le congrès.
Interrogé par Le Figaro, Antoine Arnault déclarait : « Toutes nos branches d’activités ont un dénominateur commun, la relation avec la nature (…) Les managers et les designers de nos maisons sont engagés pour sa préservation. » Simple profession de foi ? Pourtant, le groupe LVMH, partenaire de l’Unesco, finance depuis longtemps un projet de lutte contre la déforestation en Amazonie et travaille à développer une culture du coton moins dépendante des pesticides. C’est un début pour ces entreprises.
Antoine Arnault « nous souhaitons prendre des décisions basées sur la science »
Il reste difficile cependant de calculer concrètement les effets de telles actions sur la biodiversité, regrettent ces mêmes entreprises. « Il n’y a pas d’unité de mesure simple, à l’instar de la tonne de carbone pour le climat, qui permettrait d’objectiver les engagements des entreprises et de mesurer leur empreinte sur la biodiversité », explique au Figaro, Hélène Valade, directrice développement environnement de LVMH.
C’est là un prérequis pour garantir un engagement efficace de la part des entreprises, assurent les principaux intéressés. « Nous avançons pas à pas, main dans la main avec les scientifiques et ceux qui maîtrisent les datas », ajoute Antoine Arnault. Et d’ajouter : « Nous souhaitons prendre des décisions basées sur la science, et nous voulons des résultats rapides et quantifiables. Si vous n’avez pas le bon diagnostic, vous ne pouvez avoir le bon traitement. » Établir des standards semble donc être une énième problématique que le congrès devra ajouter à son agenda.