La forêt, réservoir de biodiversité, est aussi source de bois, ressource renouvelable et matériau en pointe dans la transition environnementale. Malgré le travail des forestiers pour préserver cette biodiversité, la récolte de bois est souvent pointée du doigt, voire dénoncée comme une atteinte aux écosystèmes. Qu’en est-il réellement ?
La forêt, réservoir essentiel de biodiversité
73 espèces de mammifères et 120 espèces d’oiseaux : à elles seules, voilà ce qu’abritent les forêts métropolitaines. Sans compter 30 000 espèces de champignons, et autant d’espèces d’insectes. Un réservoir de biodiversité qui contribue pour beaucoup au succès grandissant des balades en forêt, renforcé par les épisodes de confinement successifs. Une richesse que l’Office National des Forêts (Onf) a pour rôle de protéger. L’organisme a créé un réseau de 250 réserves biologiques depuis les années 1980, en France et dans les territoires d’outre-mer. Non sans succès selon Bernard Munch, président de l’Onf, qui souligne que “l’Union européenne (UE) a reconnu la qualité patrimoniale des forêts domaniales en classant 40% de leurs surfaces en site Natura 2000.” Une protection d’autant plus nécessaire que la forêt est touchée de plein fouet par le réchauffement climatique. Pas moins de 300 000 hectares de forêts publiques métropolitaines “subissent des dépérissements importants et un taux de mortalité inédit” depuis 2018 souligne l’Onf. Dans ce contexte, des voix s’élèvent pour dénoncer les récoltes de bois, et leur impact supposé sur la faune et la flore forestière. Alors que le bois s’impose comme une ressource renouvelable aux propriétés intéressantes pour participer à la transition environnementale, ces critiques autour de la récolte de bois soulèvent la question de la gestion des forêts. Autrement dit, les récoltes de bois seraient-elles néfastes pour la biodiversité et le respect des écosystèmes forestiers ?
Les forestiers, garants de la biodiversité
Pour les forestiers, la récolte de bois et la préservation de la biodiversité peuvent aller de pair. “Connaître et protéger la biodiversité est un engagement fondamental, au même titre que fournir du bois pour répondre aux besoins de la société et accueillir le public en forêt.” rappelle Régine Touffait, secrétaire générale de la Direction forêts et risques naturels (DFRN) à l’Onf. Il n’est pas rare que certains forestiers soient aussi naturalistes. En réalisant des inventaires et des suivis écologiques, ils sont près de 220 à contribuer à une meilleure connaissance des écosystèmes forestiers. Un travail déterminant pour la sauvegarde des espèces et des habitats, comme le souligne Régine Touffait : « en récoltant des centaines de milliers de données sur tout le territoire, le travail des réseaux naturalistes de l’Onf guide ensuite les gestionnaires forestiers dans leurs pratiques quotidiennes.” Avec parfois de belles découvertes : en 2019, poursuit Régine Touffait, “le réseau entomologie a décrit deux nouvelles espèces pour la Science et a signalé 9 nouvelles espèces en France”.
Parmi les actions concrètes menées par les forestiers de l’Onf en faveur de la biodiversité, figure aussi la conservation d’arbres morts : essentiels, ils abritent près de 35% de la biodiversité forestière. Philippe Gourmain, expert forestier et président du Comité spécialisé de Gestion durable des forêts au Conseil supérieur de la forêt et du bois, insiste sur ce maillon incontournable de la biodiversité : “Oui, le vieux bois et le bois mort sont les stades ultimes du cycle forestier, où vivent des espèces que l’on ne retrouve pas lors des stades juvénile et adulte. Globalement, on estime que plus les peuplements sont diversifiés, meilleure est leur résistance (…). D’où l’intérêt évident de travailler sur ce volet biodiversité. Une forêt monospécifique, c’est un risque accru de cluster avec des attaques de parasites massives.” Un appel en faveur d’une intervention raisonnée de l’homme sur les forêts, qui n’est pas sans rappeler l’étude publiée le 4 mars 2020 dans la revue Nature : les chercheurs du Musée royal de l’Afrique centrale et de l’Université de Leeds y montraient que la forêt amazonienne, non exploitée, est devenue émettrice de carbone et que celles d’Afrique tropicale ne tarderont pas à le devenir. Conséquences du changement climatique, et de la non gestion de ces forêts.
Maintenir les forêts françaises en bonne santé
Des démarches similaires sont menées au sein des forêts privées. Les propriétaires forestiers de Franche Comté rappelaient récemment que le renouvellement des peuplements est “essentiel pour capter le carbone et maintenir les forêts françaises en bonne santé”. Pour Antoine d’Amécourt, président de Fransylva, un syndicat représentant les propriétaires forestiers privés de France, la diversité de profils des propriétaires forestiers est une chance pour le maintien et le développement de la biodiversité en France : “Ils font des choix de sylviculture variés, autant de chances pour la forêt de façonner des abris différenciés accueillant une faune et une flore très variées.” Les gestionnaires peuvent s’appuyer sur l’Indice de Biodiversité Potentielle (IBP) pour intégrer la préservation de la biodiversité à leur gestion courante des forêts. Cet IBP permet d’évaluer la capacité d’accueil d’un peuplement forestier pour les êtres vivants, et d’identifier les points d’amélioration possibles lors des interventions.
Une quête de biodiversité qui passe aussi par des coupes d’arbres, comme l’explique le président de l’ONF, Bernard Munch : “la préservation de milieux riches en biodiversité (tourbières, pelouses) peut nécessiter des coupes d’arbres. En forêt, ces coupes peuvent favoriser l’installation de peuplements plus résistants au changement climatique”.
La gestion durable des forêts, pour concilier récolte et biodiversité
Un constat que tend à confirmer une étude menée en 2019 en forêt domaniale de Bercé grâce à un partenariat entre l’Onf et les associations environnementales locales. Les associations s’interrogeaient sur l’impact potentiel que pouvaient avoir des coupes de régénération sur “le fonctionnement écologique du site et sur la biodiversité de manière globale”, résumait Laurent Tillon, chargé de mission faune et biodiversité à la direction de l’Onf. “A l’issue de notre étude, nous avons obtenu des résultats inédits en France sur le plan écologique”, s’est-il réjoui lors de la présentation des conclusions de l’étude le 9 mai 2019. L’étude a mis en évidence que la forêt domaniale de Bercé était “exceptionnelle pour les chauves-souris”. Des résultats qui s’expliquent en partie par la présence et la répartition de vieux bois de chênes, et à la protection d’arbres à cavités, essentiels à certaines espèces. Pour Guylaine Archevêque, Directrice de l’agence Onf Pays de la Loire, “la tentation est grande de se dire que le plus simple est de ne rien faire et de laisser les arbres mourir seuls. (…). Encore une fois, c’est le travail du forestier de trouver le bon compromis entre les différents enjeux de gestion durable fixés par l’Etat à l’ONF il y a plus de 50 ans : production de bois, préservation de la biodiversité et accueil du public.”
Pour Albert Maillet, directeur forêts et risques naturels à l’Onf, “l’idée générale est de conserver le capital existant de nos forêts en respectant deux grandes règles : ne pas couper plus que l’accroissement naturel des forêts, et remplacer les générations adultes d’arbres par des générations jeunes”. Une nécessité pour concilier récolte de bois et respect de la biodiversité.