La future réglementation environnementale des bâtiments neufs signera-t-elle pour de bon la fin des énergies fossiles dans les nouvelles constructions pour lutter contre le changement climatique ? Pas si sûr. Présente au congrès annuel du gaz organisé le 28 septembre, Barbara Pompili a, contre toute attente, laissé planer le doute sur la place qui sera accordée au gaz dans la RE2020.
Réunis en congrès à Paris lundi 28 septembre, les professionnels du gaz ont fait part de leurs doléances en présence de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Outre la réduction annoncée du budget alloué par l’Etat à la filière biogaz, que le secteur gazier a dénoncée, la RE2020 a aussi cristallisé les critiques, en raison de l’avantage supposé qu’elle accorderait à l’électricité.
L’Association française du gaz (AFG) plaide quant à elle plutôt pour une prise en compte de toutes les sources d’énergie dans le plan de relance et dans la politique de transition énergétique. Y compris les énergies les plus émettrices de C02 ?
“Les consultations sont encore en cours” et “je peux avoir certaines convergences sur des points que vous avez soulignés mais il est encore trop tôt pour en parler”, a quant à elle répondu Mme Pompili, en faisant référence à la RE2020.
Les énergies fossiles, ennemie n°1 du climat
La ministre laisserait-elle entendre que le gouvernement pourrait revenir sur les orientations de la future réglementation environnementale, celle-là même qui doit signer la fin des énergies fossiles (parmi lesquelles le gaz) dans les constructions pour entrer de plain-pied dans l’ère du bâtiment bas carbone ?
L’ambition de la France, telle que réaffirmée récemment par le gouvernement, était pourtant claire. Elle avait été résumée en une équation simple par Olivier David, de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) : » la neutralité carbone, qui est notre principal objectif, implique de sortir des énergies fossiles. » Pour lutter contre le changement climatique, la RE2020 dresse ainsi plusieurs priorités, parmi lesquelles l’incitation à des modes constructifs qui émettent peu de gaz à effet de serre, et la consommation de sources d’énergies décarbonées, telles que l’électricité, le bois ou les réseaux de chaleurs alimentés par les énergies renouvelables.
Une véritable “révolution” saluée par plusieurs acteurs du bâtiment, comme Laurent Morel, associé du cabinet Carbone 4. Ce dernier soulignant la nécessité impérieuse de réduire la dépendance des bâtiments aux énergies fossiles, particulièrement émettrices de CO2 : “Il ne s’agit pas d’une simple pollution, mais d’une véritable menace d’extinction. L’augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère est en train de remettre en cause la viabilité de la planète pour les populations humaines existantes et projetées. […] Et le bâtiment, qui est la première activité humaine à l’échelle planétaire, est concerné au premier chef.”
Une RT2012 qui favorise le gaz dans les bâtiments neufs
Le Gouvernement a fait un pas décisif en ce sens en interdisant l’installation des chaudières au fuel, trop polluantes, à partir du 1er janvier 2022. Mais la RT2012 en vigueur aujourd’hui continue de favoriser le gaz : « Avant la RT2012, le gaz se situait dans 20% des bâtiments, et c’est passé à 40% après, notamment dans les logements collectifs où l’on atteint 75% », rappelait à ce titre Olivier David.
Or, le bâtiment occupe aujourd’hui la place peu convoitée de deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France. Il a donc un rôle central à jouer dans l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone de la France en 2050. Enjeu majeur auquel doit répondre la RE2020, dont les arbitrages devraient être rendus prochainement. Pour autant, alors que l’électricité décarbonée est clairement identifiée comme une alliée au service de la transition écologique du transport, il n’en va pas de même pour le bâtiment… Ce qui vaut pour un secteur ne vaudrait-il pas dans un autre ?
Si les résistances sont aussi marquées, c’est que la transition énergétique du bâtiment soulève aussi des questions d’ordre financier, comme le reconnaissait l’année dernière Olivier David. « Bien sûr, cela inquiète certains acteurs : ceux qui vendent des solutions qui marchent bien dans la RT2012 mais ne marcheront plus dans la RE2020 », reconnaissait le représentant de l’État.
Alors que les projets gaziers ont finalement été inclus dans les financements du Fonds de transition juste européen, contre l’avis même du gouvernement français, l’Hexagone maintiendra-t-il son projet de RE2020 intact ? Réponse prochainement.