Depuis près d’un demi-siècle, la planète a contracté une véritable dépendance au plastique. Dans tous les secteurs, sous toutes ses formes, il est devenu consubstantiel à la mondialisation marchande. Mais la pollution engendrée augmente de façon exponentielle, notamment dans les océans. En Europe, certaines entreprises comme Danone, Leclerc ou Lego ont entrepris de se lancer dans une véritable « cure de désintoxication » vis-à-vis du plastique. Une démarche nécessaire, qui fait pour l’instant figure d’exception à l’échelle du globe.
Publiée au début du mois d’août dans la torpeur estivale et dans une actualité toujours saturée par l’épidémie de Covid-19, l’information aurait dû faire l’effet d’une bombe : selon la revue Science et la Fondation Ellen MacArthur, la quantité de déchets plastiques déversés annuellement dans les océans devrait, d’ici à 2040, tripler. Si rien ne change, la quantité de plastique qui finit dans la mer chaque année passera de 11 millions de tonnes à 29 millions de tonnes. Au total, d’ici 2040, 600 millions de tonnes auront ainsi été déversées dans les océans.
Des millions de tonnes de déchets qui viendront grossir le désormais fameux « océan de plastique » dérivant à la surface des mers du monde entier, polluant les eaux de manière quasi irrémédiable, asphyxiant les écosystèmes marins et ravageant l’écosystème.
Pluies de plastique
Des chiffres d’autant plus inquiétants que selon l’ONG, rien ne semble pouvoir enrayer la tendance. La croissance démographique exponentielle des populations humaines, la montée en puissance des classes moyennes dans les pays en développement comme l’Inde, la production toujours croissante de plastique aux quatre coins du globe font craindre une explosion de l’utilisation du plastique.
Les faibles cours du pétrole, le fait que deux milliards d’êtres humains ne disposent toujours pas d’un accès à des systèmes de collecte des déchets et le recours massif aux produits à usage unique dû à la pandémie mondiale de Covid-19 ne présagent aucune amélioration significative à court terme.
Et les océans ne sont pas les seuls endroits de la planète à souffrir d’un flot continu de déchets plastiques. Comme l’ont révélé des chercheurs américains dans une autre étude parue le 12 juin 2020 dans la revue Science, toutes les zones du globe ou presque sont désormais en proie à ce que les auteurs qualifient de « pluies de plastique ». Principalement issus des microfibres synthétiques composant nos vêtements, mais également des peintures utilisées par les industriels, ces microplastiques « pleuvent » par milliers de tonnes chaque année, même dans des régions particulièrement reculées, comme des immenses parcs nationaux américains, que l’on aurait pu croire préservés par le phénomène, loin de toute activité humaine. « Le nombre de microplastiques (est) énorme, c’est choquant », s’est ainsi émue la chercheuse Janice Brahney, qui a contribué à l’étude, concluant que « le plastique est notre nouvelle poussière ».
Des engagements non contraignants
Les fléaux du plastique sur l’environnement sont connus depuis de très nombreuses années, et la publication régulière d’études alarmantes sur le sujet a au moins le mérite de sensibiliser les opinions publiques et des pouvoirs politiques. Un « Pacte européen sur le plastique » a ainsi été adopté le 6 mars dernier par plusieurs pays, entreprises et ONG, les signataires s’engageant à atteindre un certain nombre d’objectifs visant à réduire les quantités de plastique utilisées et à mieux recycler leurs produits.
Mais l’accord demeure « purement basé sur le volontariat », presque uniquement « centré sur l’emballage » et contribue à « une accumulation de textes pas toujours cohérents », regrette la Fédération de la plasturgie, qu’on ne peut pourtant soupçonner de vouloir se tirer une balle dans le pied. Il faut dire qu’en Europe et plus particulièrement en France, les entreprises ont largement été sensibilisées sur la question, et n’ont pas attendu les politiques pour agir.
Danone, Lego, Leclerc… des alternatives émergent
Car plusieurs solutions émergent afin de couper court à long terme à notre dépendance au plastique. La chromatogénie, technique inventée par des chercheurs de Grenoble, permet ainsi d’obtenir un papier à la fois imperméable et respectueux de l’environnement, y ajoutant des particules d’acides aminés issus d’huiles végétales. Résultat : un papier qui résiste aux liquides et même à la graisse, permettant de concevoir aussi bien de nouvelles bouteilles de bière que de véritables livres « waterproof ». De plus, ce papier « nouvelle génération » s’avère très facilement recyclable, son traitement ne nécessitant pas d’utiliser des produits chimiques dangereux pour la santé ou l’environnement.
Des solutions alternatives qui fleurissent aussi dans la plupart des entreprises européennes. Soucieuses de leur image et sincèrement engagées sur la question environnementale, elles s’engagent à l’instar de l’entreprise Lego, qui prévoit de développer des jouets en plastique végétal dans les prochaines années ou le groupe de grande distribution Leclerc qui promet des emballages plastiques 100 % recyclables pour sa marque distributeur.
Chez le géant de l’agroalimentaire Danone aussi, on planche aussi sur des solutions permettant d’imaginer, à terme, un monde sans plastique. L’entreprise française fait figure d’exemple, en annonçant il y a quelques mois un investissement massif d’un milliard d’euros sur trois ans pour « transformer en profondeur (ses) emballages », selon son PDG, Emmanuel Faber. Visant 100 % de bouteilles d’eau en polyéthylène téréphtalate recyclé (rPET) d’ici à 2025 sur son marché européen, l’entreprise « poursuivra ses investissements pour trouver de nouvelles innovations en matière d’emballages alternatifs au plastique (comme le verre, les canettes et le papier) et repenser les modèles d’hydratation ». Les pots de yaourt, autres produits phares de la multinationale tricolore, sont également concernés par ces efforts, Danone entendant sortir du polystyrène en 2024 en Europe et l’année suivante au niveau mondial. Une bonne nouvelle pour la planète.