Des chercheurs tirent en effet la sonnette d’alarme et estiment que les agrumes cultivés en Europe, notamment dans la région méditerranéenne, pourraient à leur tour être victimes de la maladie du Dragon Jaune. Derrière ce surnom exotique se cache en fait un virus qui a décimé la plupart des orangers de Floride et affecté les cultures brésiliennes. Il serait aujourd’hui aux portes du Vieux Continent.
Également connu sous l’acronyme HLB, pour Huanglongbing, la maladie du Dragon Jaune a été découverte au début du 20ème siècle en Asie. « Elle s’est propagée depuis le milieu des années 2000 avec un impact et une rapidité phénoménales », précise Éric Imbert, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) de Montpellier.
La Méditerranée apparait aujourd’hui comme un des derniers bassins de production d’agrumes encore épargnés par le fléau du Dragon Jaune. Malheureusement, l’insecte vecteur de cette maladie vient d’être repéré dans la péninsule Arabique (au Nord de l’Espagne et au Portugal). Il s’agit du psylle asiatique, un insecte suceur de sève qui contamine les arbres en se nourrissant. Il transmet en effet la bactérie en piquant un arbre : la maladie bloque le transit de la sève entrainant ainsi un jaunissement des feuilles et une déformation des fruits. L’arbre s’étouffe et finit par mourir.
« Sans vouloir affoler, (…) si nous ne faisons rien en termes de prévention, nous pouvons avoir une catastrophe majeure, avec des prix qui doublent ou triplent », prévient M. Imbert.
Entre 2005 et 2017, la maladie du Dragon Jaune a dévasté les pépinières d’agrumes de Floride où la production d’orange a chuté de 60%. Les coûts de production et de gros se sont alors envolés, entrainant par exemple une flambé des prix de jus d’orange concentré (jusqu’à 2.500 dollars la tonne alors que le prix moyen tourne normalement autour de 1.300 dollars).
La revue FruitTrop estime que plus de 20% des oranges, clémentines et citrons consommés dans le monde proviennent des vergers qui bordent la Méditerranéedu Portugal à l’Égypte en passant par le Maroc, la Turquie, la Grèce et l’Italie. Le pourtour méditerranéen contrôlerait à ce titre près de 70% des exportations mondiales d’agrumes. Le cri d’alarme, ça fait longtemps que les chercheurs le poussent, auprès des autorités européennes notamment, mais on a l’impression de hurler dans le désert », déplore Éric Imbert.
La bactérie responsable de la maladie du Dragon Jaune est particulièrement dangereuse car il n’existe pour l’heure aucun traitement existant. Difficilement cultivable en laboratoire, elle rend tout travail d’analyse en laboratoire impossible. « Les Américains se vantaient d’avoir des solutions, mais l’an dernier tout le monde est resté sobre, plus personne ne parle de solution miracle », explique Raphaël Morillon, chercheur au Cirad en Guadeloupe.
La Réunion est le seul endroit où le Dragon Jaune a pu être contraint : les arbres contaminés ont été abattus et les vergers replantés à une altitude où les psylles ne survivent pas.