Malgré les avertissements régulièrement lancés par la communauté scientifique internationale, il existe encore des gens pour douter de la hausse globale des températures de la planète Terre. Pourtant, les conséquences du réchauffement climatique deviennent désormais une réalité pour certaines populations. C’est notamment le cas en Albanie, où la plage de Qerret, dans le nord du pays, est petit à petit grignotée par la montée des eaux.
« D’abord discret, le phénomène a pris de fortes proportions ces dernières années. La mer s’est mise à avaler la côte. Elle se venge de l’homme qui a détruit la nature », s’inquiète Sherif Lushaj, spécialiste des questions d’environnement à l’Université Polis de Tirana.
La plage de Querret est en effet devenue la proie de la montée des eaux, en raison notamment de la fonte des glaces dans l’Arctique et d’un urbanisme sauvage irréfléchi de la part du gouvernement. À quelques centaines de mètres de la nouvelle station balnéaire bétonnée de Shengjin, des troncs d’arbres peinent à émerger au-dessus des flots. D’autres commence à se fossiliser, rappelant l’emplacement d’une forêt. Les bunkers construits sous la dictature communiste, autrefois perchés au sommet des dunes, sont aujourd’hui engloutis.
Sur les 427 kilomètres de long que mesurent les plages d’Albanie, « 154 km sont touchés par l’érosion », déplore Blendi Klosi, ministre de l’Environnement. Dans certains secteurs, l’avancée de la mer atteint parfois « une vitesse effarante de 20 mètres par an ». Près de Shengjin, « quelque 400 mètres de terre [ont été engloutis] au cours des 15 dernières années ».
Les dégâts sur la faune et la flore ne manquent pas de se faire sentir, dans une lagune où de nombreuses personnes vivent de la pêche et du tourisme. Un recensement réalisé il y a un an a permis de mettre en lumière la disparition de nombreuses espèces animales. En 1970, 50.000 oiseaux vivaient dans cette riche lagune ; ils ne sont plus que 7.000 aujourd’hui.
La population dénonce la hausse des températures terrestres, qui entraîne de plus en plus de phénomènes climatiques extrêmes (tempêtes hivernales, inondations…). Mais la politique d’urbanisme sauvage menée par des personnes sans scrupules est également pointée du doigt. Les habitants dénoncent en effet les jetées construites illégalement pour protéger les immeubles, les villas et autres hôtels de ce lieu de villégiature.
« Les gens redoutent de s’en prendre aux intérêts des puissants. C’est la loi du plus fort. Ces constructions sont le résultat de pressions exercées par des individus pour construire sans égard pour le plan d’aménagement urbain. Ces jetées modifient les courants, en aggravant encore le problème », estiment certains habitants.
Pour les spécialistes du changement climatique aux Nations Unies, la seule solution viable serait l’érection de structures rocheuses parallèles à la côte, et la reconstitution de dunes. Mais le coût « extraordinaire » de cette mesure la rend difficilement envisageable en Albanie, un des pays les plus pauvres d’Europe. Et de déplorer un cercle vicieux inéluctable : plus l’Albanie s’appauvrit, plus son territoire rétrécit.