Le groupe Chevron ne sera finalement pas jugé aux États-Unis pour ses activités polluantes en Equateur. Le groupe pétrolier américain a remporté, lundi 19 juin à Washington, une victoire importante contre les populations d’Amazonie, aux termes d’une bataille judiciaire longue de 20 ans. La Cour Suprême américaine a en effet refusé de donner suite à un dossier constitué par des citoyens équatoriens, qui se battent depuis de nombreuses années pour l’application d’une amende record de 9 milliards de dollars pour pollution. Explication.
La société Texaco arrive en Equateur dans le courant de l’année 1964, pour se lancer dans l’exploitation pétrolière des réserves d’hydrocarbures que renferme la région du Lago Agrio (dans le nord-est du pays). Peu respectueux de l’environnement, le pétrolier américain déverse impunément pendant près de 30 ans des résidus toxiques dans la forêt amazonienne : il provoque ainsi de sérieux dégâts sur la biodiversité (des « piscines » de matières toxiques encore visibles aujourd’hui) et des milliers de cancers sont depuis recensés dans les populations de toute la région.
Persuadées d’être devant un cas avéré d’écocide, les victimes se mobilisent pour saisir la justice américaine : la multinationale Texaco, rachetée en 2001 par Chevron, fait délocaliser l’affaire en Equateur où résident les victimes, mais sera finalement reconnue coupable et condamnée par la cour équatorienne de la province de Sucumbios à une amende de 9,5 milliards de dollars de dommages et intérêts.
Ne disposant pas de suffisamment de fonds en Equateur, le groupe pétrolier américain ne peut donc pas s’acquitter de son amende record. Bien décidés à faire appliquer la condamnation, 30.000 indigènes d’Amazonie saisissent la justice américaine pour atteindre les actifs américains de Chevron et ainsi procéder au paiement de l’amende infligée par la justice équatorienne. C’est ce recours qui vient d’être rejeté par la Cour Suprême américaine.
Les dirigeants de Chevron, qui ne démentent pas l’implication du groupe dans les activités polluantes qui ont dégradé la région Lago Agrio, affirment cependant que les plaignants ont manipulé les expertises scientifiques afin de persuader la justice équatorienne d’infliger une amende record. « La décision d’aujourd’hui est un pas en avant important pour mettre un terme à cette action illégale », a notamment estimé Hewitt Pate, vice-président de Chevron chargé des affaires juridiques.
De son côté, la justice équatorienne ne s’avoue pas vaincue et tente de minimiser ce revers judiciaire. Elle estime en effet que cette décision n’a aucun effet en dehors des frontières américaines et ne remet pas en cause la condamnation du tribunal équatorien. La société Chevron devra donc indemniser d’une manière ou d’une autre les dégâts écologiques occasionnés.
« Ce sont finalement d’autres juridictions qui forceront Chevron à payer pour son comportement criminel en Equateur », estime Steven Donziger, un des avocats des victimes. Ces dernières cherchent désormais à faire appliquer la décision de la justice équatorienne dans un autre pays. Une audience est notamment prévue en octobre 2017 devant la cour d’appel de l’Ontario : la Cour Suprême du Canada a en effet donné le droit à l’Equateur de poursuivre Chevron sur son sol.