Si le gouvernement a finalement renoncé en 2016, à fixer un prix plancher du carbone en France, les centrales thermiques au fioul n’en sont pas pour autant plus rentables. Obsolètes et inadaptées aux nouvelles normes européennes sur les émissions industrielles, elles ne rentrent plus vraiment dans les plans de la transition énergétique française, et disparaissent l’une après l’autre. Après Aramon l’année dernière, c’est au tour des unités de Porcheville et de Cordemais de mettre la clé sous la porte.
Porcheville et Cordemais, les raisons d’une fermeture anticipée
EDF a annoncé à la fin du mois d’avril dernier l’arrêt définitif au 1er mai 2017 d’une des deux tranches au fioul de Cordemais (tranche n°2) dans le département de la Loire-Atlantique, ainsi que des quatre tranches au fioul de la centrale de Porcheville dans les Yvelines. Le groupe français prévoyait initialement de ne fermer que deux tranches de la centrale de Porcheville ce printemps et les deux autres en 2018 (tout comme celle de Cordemais), mais le peu d’activité enregistré par ces centrales ces derniers temps et les retours positifs du plan de reclassement des salariés, l’ont finalement convaincu d’anticiper ces fermetures.
Les centrales au fioul sont généralement appelées sur le réseau quelques dizaines d’heures par an, en période de pointe, quand toutes les autres unités de production sont déjà en fonction, afin de répondre sporadiquement aux pics de consommation hivernaux. Mais les unités de Porcheville et de Cordemais ne tournaient quasiment plus depuis plusieurs années, si ce n’est pour des tests et des opérations de maintenance, et les entretenir coûtait désormais bien plus cher que de raison. L’ensemble du parc au fioul d’ailleurs, qui représentait 6,7% des capacités installées, n’a fourni en 2016 que 0,6% de la production, chaque unité affichant de fait un coût marginal de production très élevé.
Avec la production déjà stoppée des deux tranches de la centrale d’Aramon (Gard) depuis le mois d’avril 2016, le groupe EDF aura donc fermé en l’espace d’une année, 5,2 gigawatts de capacités de production, soit la moitié de son parc thermique (gaz, charbon…), pour des raisons essentiellement économiques. Les dysfonctionnements du marché dans un contexte de surcapacité des moyens de production en France et en Europe, l’ont en effet incité à enclencher une transformation plus rapide que prévue de l’entreprise vers des activités essentiellement bas-carbone, et à avancer des fermetures programmées de toute façon dans le cadre de la loi de transition énergétique.
Un impact réel sur les émissions de CO2
Outre ces raisons économiques, la volonté d’EDF de se passer progressivement de ses centrales au fioul s’inscrit surtout dans un programme plus vaste de transformation de son parc de production thermique, destiné à remplacer ses tranches les plus polluantes contre de nouvelles installations au gaz plus durables (centrales CCG), et à réduire ainsi toujours plus ses émissions de CO2. Ces centrales cycles combiné gaz, comme celle de Bouchain dans le Nord par exemple, offrent en effet une production d’électricité plus faible en carbone, et permettent d’assurer en lieu et place des centrales de production thermique traditionnelles, la sécurité d’approvisionnement du réseau lors des pics de consommation.
A production égale, les émissions de CO2 d’une centrale CCG (environ 400 grammes par MWh) sont diminuées de moitié par rapport à une centrale au fioul classique (800 et 900 grammes par MWh), les émissions de dioxyde de souffre (SO2) sont divisées par trois et celles d’oxydes d’azote (NOX) par 20. Des performances louables lorsque l’on sait que les émissions de dioxyde de carbone provenant des combustibles fossiles ont augmenté de 0,9% en 2016 en France par rapport à l’année précédente (d’après les derniers chiffres de l’office statistique Eurostat), et cela malgré leur faible utilisation.
La co-combustion : une reconversion responsable et prometteuse
Mais le gaz ne constitue pas la seule alternative pour le futur de l’industrie thermique. La centrale de Cordemais explore depuis 2016 une solution d’avenir via la mise en œuvre d’un projet expérimental de co-combustion charbon-biomasse. Ce procédé consiste à brûler un mélange de deux combustibles différents (20% du combustible fossile ayant été remplacé par des granulés de sciure de bois neutres en carbone) et permet d’augmenter facilement la production d’énergie renouvelable dans des limites de coûts raisonnables. Conduit dans le cadre du programme de recherche international CEATI (Center for Energy Advancement Technological Innovation), ce programme de co-combustion de biomasse aurait déjà permis de réduire de 80% les émissions d’oxyde d’azote, de 90% celles de soufre et d’absorber 99% des poussières crachées par les cheminées des deux unités à charbon.
A Porcheville, la reconversion du site, situé à 50 km de Paris, n’est pas encore officiellement actée. Plusieurs pistes alternatives pourraient être envisagées comme la revalorisation de l’usine en unité de biomasse (valorisation des déchets de bois), en usine de production de biogaz ou en centre d’incinération d’ordures ménagères capable de fabriquer de l’électricité et de la chaleur.