Selon cette étude menée par une équipe de chercheurs de l’Université autonome du Mexique, 75% des populations de primates voient leur population diminuer à cause de la nocivité des activités humaines. Un chiffre en augmentation de 20% depuis 1996.
Constatation tout aussi grave, 60% des espèces de singes seraient même d’ores-et-déjà en danger d’extinction. Cette situation, déjà connue de la communauté scientifique, concerne les 16 grandes familles de singes. « N’importe quelle personne qui travaille dans ce domaine est consciente du risque de disparition de ces espèces, c’est pourquoi tous les primatologues, en plus des leurs recherches, sont obligés de faire de la conservation« , explique en effet Audrey Maille, primatologue et maître de conférences au Museum d’histoire naturelle de Paris.
Proche cousin de l’être humain, avec qui il partage plus de 98% de son ADN, le singe est un animal essentiel aux écosystèmes terrestres. En plus de jouer un rôle central dans de nombreuses cultures et traditions, il contribue en effet au maintien et à la régénération des forêts (en dispersant les graines). Il permet même de favoriser la croissance économique dans certains des territoires qu’il occupe (en raison du tourisme).
Pourtant, la vie des primates est menacée dans l’ensemble des régions (Amérique Latine, Afrique, Asie) et milieux (forêts tropicales humides, bois tempérés, savanes, mangroves, prairies…) où on les trouve. Selon les chiffres avancés par les responsables de l’étude publiée dans Science Advances, 87% des espèces de primates qui vivent à Madagascar sont en péril. Un chiffre qui est de 73% pour le continent asiatique, de 37% pour l’Afrique subsaharienne et de 36% en Amérique latine.
« C’est la onzième heure pour beaucoup de ces créatures. Plusieurs espèces, comme le lémur à queue annelée, le colobe rouge d’Udzungwa, en Tanzanie, le rhinopithèque brun ou le gorille de Grauer, ne comptent plus que quelques milliers d’individus. Dans le cas du gibbon de Hainan, en Chine, il reste même moins de trente animaux », déplore Paul Garber, coauteur de l’étude et professeur d’anthropologie à l’université de l’Illinois, aux Etats-Unis.
La principale cause du déclin des populations de singes est la disparition de leurs habitats. 76% des espèces de primates subissent en effet la pression de l’homme en raison de l’expansion de l’agriculture. Mais il faut également évoquer l’exploitation forestière, le développement des infrastructures routières ou l’exploitation des hydrocarbures. À cela s’ajoute la chasse et le braconnage ainsi que des menaces émergentes comme la pollution de l’air et le réchauffement climatique.
« Nous alertons sur la situation des singes depuis des années, mais elle est bien plus grave que nous ne l’imaginions. Pourtant, des efforts de conservation ont été réalisés de longue date : grâce à eux, l’ordre des primates n’a connu aucune extinction au cours du XXe siècle. Mais ces actions sont aujourd’hui insuffisantes », explique Russell A. Mittermeier, président du groupe de spécialistes des primates de l’UICN et également auteurs de l’étude.
Les chercheurs de l’Université autonome du Mexique préconisent la mise en place d’un modèle censé permettre de répondre aux besoins humains tout en protégeant ces animaux. Ils appellent notamment à associer les populations locales à la gestion des forêts, à intensifier la lutte contre la pauvreté et à contrôler plus efficacement la croissance démographique. « Il s’agit de construire des économies locales fondées sur la préservation des arbres, en développant par exemple l’écotourisme autour des primates. Et former les communautés, en particulier les décideurs et les jeunes, aux programmes de conservation ».